La succession s’est ouverte et le notaire a été choisi par les héritiers les plus diligents. Il a lancé les premières recherches vers le fichier central des dispositions de dernières volontés. Il a questionné les banques, les organismes sociaux et éventuellement les services de la publicité foncière. Il a recueilli le livret de famille et s’est assuré du régime matrimonial, si le défunt avait été marié. Il a aussi obtenu la copie complète de l’acte de naissance portant en marge les évènements qui ont affecté sa vie : mariage et divorce, en particulier.
Les héritiers et éventuels légataires sont connus. Le notaire est désormais en mesure de procéder aux opérations initiales du règlement de la succession. Il va notamment préparer l’acte de notoriété et l’attestation immobilière.
Il informe donc toutes les personnes ayant vocation à bénéficier d’une part du patrimoine du défunt. Tous répondent, plus ou moins rapidement, sauf un. D’abord un rappel aimable, puis un rappel quasi comminatoire ne provoquent aucune réaction. Les autres héritiers et/ou légataires s’étonnent, s’impatientent puis décident de passer outre.
Guère de difficultés pour la signature de l’acte de notoriété, puisqu’il est dressé par le notaire à la demande d’un ou plusieurs héritiers. Aucun soucis pour l’attestation immobilière qui est obligatoirement établie par le notaire dès lors que la succession comprend un ou des biens immobiliers.
Mais, difficile d’aller plus avant. Il n’est en effet pas question d’engager des dépenses, de verser les droits dus au fisc, de payer des créanciers, sans autorisation de tous les héritiers, puisqu’ils se trouvent dans la situation juridique d’indivision.
Que faire ?
Pour dégager des solutions, il convient de distinguer deux situations qui seraient la cause de ce silence :
- soit cet héritier ne donne plus aucune nouvelle,
- soit il fait preuve de mauvaise volonté.
Le code civil a prévu l’un et l’autre cas.
Premier cas : l’héritier ne donne plus de nouvelles
Les autres héritiers ont constaté qu’il n’habitait plus chez lui depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ils ont remarqué qu’il avait quitté son travail et n’avait laissé aucun ordre de ré-expédition de son courrier qui s’accumule dans la boîte aux lettres. De plus, les factures n‘étant plus payées, les fournisseurs d’électricité et d’eau avaient coupé l’alimentation. Enfin il n’avait signé aucune procuration. Il en va de même pour sa résidence secondaire ou pour tout autre lieu où il lui arrivait de séjourner. Et, bien entendu, il n’a avisé personne de son départ et depuis n’a répondu à aucun appel téléphonique, aucun courrier électronique.
Dans une telle situation, le droit de l’indivision permet de résoudre quelques problèmes, au coup par coup. En effet, les héritiers peuvent décider seuls de mesures nécessaires à la conservation des biens, telle que la réparation d’une toiture. A la majorité des 2/3, ils peuvent prendre des mesures de gestion, telle la signature d’un contrat de bail. Avec l’autorisation de la justice, ils peuvent percevoir et dépenser des fonds pour le compte de l’indivision et même vendre un bien de l’actif. Cependant, le processus de règlement restera bloqué.
La solution se trouve au titre « Des absents », dans le code civil. Les héritiers sont invités à saisir le juge des tutelles pour constater que l’héritier dont on est sans nouvelles doit être « présumé » absent. Le magistrat nomme alors un ou plusieurs représentants pour exercer ses droits patrimoniaux.
Il y est expressément prévu que le partage peut alors avoir lieu, à l’amiable, avec la participation du représentant désigné par le juge, en lieu et place du présumé absent. Seule formalité particulière, l’état liquidatif doit être soumis à l’approbation préalable du magistrat. La situation est donc débloquée.
Si le présumé absent reparaît, les actes régulièrement faits sans lui seront inattaquables et il reprendra son patrimoine avec les biens et valeurs acquises pour son compte par le partage.
Deuxième cas : l’héritier fait preuve de mauvaise volonté
Un des héritiers a décidé de ne pas (ou de ne plus) répondre au notaire, de ne fournir ni documents (son livret de famille), ni renseignements (sur des donations reçues du défunt), ni même la moindre explication et bien entendu, il ne se rend à aucune invitation du notaire.
Les raisons de cette mauvaise volonté peuvent être multiples, le résultat est certain, le processus de règlement de la succession est bloqué.
Le code civil a prévu cette hypothèse, parce qu’elle est loin d’être rare et offre deux possibilités : la représentation et l’assignation en partage judiciaire.
La représentation
Lorsque les co-partageants constatent la « défaillance » de l’un d’eux ou lorsque le notaire en relève « l’inertie », faculté leur est donnée de le mettre en demeure (par exploit d’huissier) de se faire représenter pour la suite des opérations. L’intéressé a 3 mois pour choisir un mandataire et le faire connaître au notaire.
S’il persiste dans son silence, un des co-partageants ou le notaire saisissent le juge qui désigne d’office un représentant. Les opérations peuvent alors aller à leur terme. Il faut cependant noter que si c’est un héritier qui a saisi le juge, le magistrat devra au préalable valider ce projet de partage.
Quoique les textes ne le précisent pas, l’héritier récalcitrant peut, à tous moments, se manifester et reprendre sa place et participer directement aux opérations.
L’assignation en partage judiciaire
L’inconvénient de la formule précédente tient aux risques de voir le co-partageant de mauvaise volonté, se manifester une fois, puis de garder de nouveau le silence. Il pourrait encore contester en justice la désignation de son représentant. Dans l’un et l’autre cas, s’ouvrent de nouveaux contentieux qui vont retarder le partage.
Avertis de telles pratiques, les avocats spécialistes en droit des successions ne conseillent que rarement d’user de cette mesure. Ils engagent plutôt leurs clients à saisir le tribunal d’une assignation en partage judiciaire. Dans le cadre de cette procédure, l’inertie et la mauvaise volonté ne causeront de torts qu’à leur auteur. Toute contestation annexe sera immédiatement jointe à la procédure principale, sans guère la retarder pour autant.
Il est vrai que l’action en justice est plus contraignante, mais elle risque de se révéler finalement plus rapide et moins onéreuse que le passage par la formule de la représentation, face à un co-partageant déterminé à être désagréable. Si sa mauvaise volonté venait à passer, la procédure judiciaire pourra, à tout moment, céder la place au partage amiable.
Principaux textes de référence
- Art 116, 836, 837, 841-1 code civil
- 1062 à 1064 et 1358 code de procédure civile