Contestation de la validité du testament : du vivant de son auteur ou après sa mort ?

Cour de Cassation – première chambre – 20 mars 2013 – n° 11-28318

Quelle idée saugrenue a bien pu traverser les magistrats de la Cour d’Appel d’Amiens au moment du délibéré de leur arrêt du 17 octobre 2011 ? Sans doute des circonstances de fait particulières et la séduisante argumentation de l’avocat de la défense y sont elles pour quelque chose. Mais quand même !!!

Qu’on en juge.

Madame Paule A… veuve X… rédige un testament, par acte notarié dressé le 22 novembre 2002, avantageant considérablement et précisément l’une de ses deux filles, F…, par rapport à l’autre, M-J…

On peut imaginer, au regard des circonstances connues, qu’elle ne se prive pas d’en faire part, au moins aux intéressées, pour qu’elles n’ignorent rien de ce qui leur adviendra.

Il ne reste plus à l’enfant délibérément défavorisé qu’à espérer que sa mère changera d’avis avant sa mort !

La mère inique décède le 11 décembre 2007, sans modifier ses dernières volontés.

A l’ouverture de la succession, l’infortunée soeur prend l’attache de son avocat qui décide de porter l’affaire devant la justice pour contester la validité du testament, avec une sérieuse argumentation fondée sur l’insanité d’esprit. La vieille dame n’avait plus toute sa raison en ce funeste jour du 22 novembre 2002 et donc son testament apparaît sans valeur et la succession devrait se partager entre les deux sœurs, dans la plus parfaite égalité.

Application classique des dispositions de l’art. 901 du code civil, selon lesquelles pour faire une libéralité, « il faut être sain d’esprit » ; ce texte vise autant les donations que les testaments.

Mais les magistrats de la Cour d’Appel refusent même d’aborder le sujet, au motif qu’il est… trop tard !!!

Suivant sans doute le raisonnement de l’avocat de la sœur préférée, ils rappellent les dispositions de l’art. 1304 du code civil selon lesquelles l’action en nullité doit être intentée dans les cinq ans qui suivent la signature de l’acte, et comme plus de 5 ans se sont écoulés entre la signature du testament et le décès de la vieille dame, il est trop tard.

Autrement dit, il fallait contester le testament du vivant même de la testatrice, et ce alors qu’il n’avait encore aucune valeur et qu’elle pouvait en changer à tout moment ! Solution parfaitement absurde et irréaliste !

La Cour de Cassation vient heureusement de rappeler à un peu plus de bon sens… et de bon droit !

Dans cet arrêt du 20 mars 2013, les hauts magistrats de la première chambre de cette Cour cassent l’arrêt de la Cour d’Appel d’Amiens en énonçant un principe qui paraît pourtant évident : on ne peut contester la validité d’un testament qu’à compter du décès du testateur, et le délai de 5 ans prévu par l’art. 1304 du code civil ne commence qu’à l’ouverture de la succession, donc la sœur défavorisée se trouvait largement dans les temps.

Les avocats et les justiciables, les notaires et les testateurs peuvent donc être rassurés, le testament ne prend effet qu’après le décès. Avant il peut toujours être changé ou modifié, donc le contester n’aurait aucun sens.

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial