Droit des successions : vers une fiscalité des successions moins lourde ?

Droit des successions : vers une fiscalité des successions moins lourde ?

La presse se fait régulièrement l’écho d’une évolution du système fiscal relatif aux donations et successions. Les notaires et les avocats spécialistes en cette matière y sont particulièrement attentifs, dans l’intérêt de leurs clients.

Pour les uns, le gouvernement envisagerait un alourdissement des taxes perçues à l’occasion de la transmission du patrimoine :

« Il nous semble essentiel d’ouvrir une réflexion sans tabous en vue de réfléchir à la refonte en profondeur de la fiscalité sur les successions dans notre pays » a déclaré Christophe Castaner, délégué de LaREM, le 16 septembre 2018.

Pour d’autres, il conviendrait au contraire d’alléger et d’adapter les modalités d’imposition :

C’est en effet la teneur de la proposition de loi visant à adapter la fiscalité de la succession et de la donation aux enjeux démographiques, sociétaux et économiques du XXIe siècle, enregistrée au Sénat le 9 septembre 2019.

Comment fonctionnent les droits de succession aujourd’hui ?

Actuellement, l’administration perçoit, tant pour les donations que pour les successions, des droits. Leur montant est proportionné au total de la part nette que reçoit chaque héritier ou légataire, après application d’un abattement (entre 1 594 € et 100 000 €, selon le degré de parenté avec le défunt). Le montant de ces droits dépend d’un barème basé sur des tranches et des liens de parenté, allant de 5% (en dessous de 8 072 €) à 60 % sur la totalité de la valeur des biens transmis (pour des parents éloignés ou des amis ou voisins).

Il existe divers cas d’exonération totale (pour le conjoint survivant) ou partielle (dans le cas d’une transmission d’entreprise).

Pourquoi reformer la taxation sur les successions ?

Le système actuel résulte d’une érosion de principes libéraux. Ces principes en fondaient la structure et avaient pour but d’assurer la transmission la plus complète possible du patrimoine, de générations en générations. Les aléas économiques, politiques et sociaux ont conduit tous les gouvernements, depuis un demi-siècle, à réduire cette faculté. Ils ont augmenté (en général, par petites touches) les taxes et en diminuant les abattements, tout en manœuvrant subtilement pour moins pénaliser certaines opérations.

Le système est donc devenu approximatif et forcément compliqué, laissant, qui plus est, des espaces exploitables à ceux qui souhaitaient faire de l’optimisation fiscale. Ne serait-ce que pour la clarté et la simplicité, une réforme serait bienvenue !

Dans quel sens réformer le droit des successions ?

 Il faudra, de toutes façons, composer avec deux contraintes :

  1. une vision politique de ce qui paraît le meilleur pour la société ;
  2. des exigences de ressources pour l’Etat.

Avant de s’interroger sur la fonction de la transmission de patrimoine, il est nécessaire également de prendre en compte les évolutions démographiques majeures et les tendances économiques avérées. Les démographes rappellent constamment que société française vieillit et qu’il en résulte diverses conséquences sur la transmission du patrimoine.

Les évolutions démographiques majeures

Les cabinets d’avocats spécialistes en droit des donations et successions constatent que les successions s’ouvrent de plus en plus tard car la durée moyenne de vie a augmenté, augmente et augmentera encore dans les prochaines années. De ce fait, l’âge moyen de recueil d’un héritage s’accroît également. Il n’est pas rare de rencontrer des enfants qui héritent après 60 ans, voire 65 ans.

Plus globalement, selon l’INSEE, compte tenu du « boom » des naissances de la seconde moitié du XXème siècle, le nombre de décès annuels, et donc le nombre d’ouvertures de succession, passeraient (environ) de 550 000 avant 2015 à 650 000 en 2035, pour atteindre 750 000 après 2050.

Les évolutions économiques

Les économistes relèvent qu’en même temps, la société française s’est, dans l’ensemble, enrichie et que le patrimoine des personnes âgées a davantage progressé que celui des autres catégories. Ces tendances semblent se ralentir mais persistent.

Ces simples constatations amènent à se poser au moins une question : quelle est l’utilité, personnelle et sociale, d’un héritage à quelques années de la retraite ?

En même temps, les recettes provenant des divers droits de succession et donations constituent une ressource loin d’être ridicule pour le budget de l’État : à peu près 13 milliards d’euros en 2015, sachant que la taxe d‘habitation représentait alors 22 milliards.  Même en admettant une baisse des dépenses publiques, seulement promises pour l’instant, l’État ne pourra pas se passer d’une telle somme pour les années à venir. S’il peut y avoir des diminutions, elles devront être compensées par des augmentations.

On est alors tenté de s’orienter non pas vers une baisse généralisée des taxes affectant les libéralités, mais vers une reconstruction du système fiscal visant à encourager certaines opérations et à en décourager d’autres.

Favoriser la donation

Sans entrer dans un éternel débat sur la justice sociale, ponctué par des références à  des notions incertaines, telles : l’égalité (de droits, de moyens ou de situation ?), la solidarité (familiale ou nationale ?) ou la responsabilité (d’un avenir personnel ou du présent d’un groupe?), on peut simplement constater que le patrimoine a davantage de chances de profiter à tous, famille ou collectivité, directement par l’investissement ou indirectement par la taxation des opérations, lorsqu’il est entre les mains de personnes en pleine activité professionnelle plutôt que lorsqu’il est détenu par des personnes âgées qui ont, souvent, comme préoccupation de ne plus se démunir.

La perspective pourrait être ainsi de favoriser la transmission anticipée de parts de patrimoine, et de limiter l’intérêt de la transmission à cause de mort. A cette fin, la technique juridique existe déjà, il s’agit de la donation régie par les art. 931 et suivants du code civil.

Un abaissement significatif des taxes afférentes, compensé par l’augmentation des droits de succession (au sens propre), inciterait sans doute des propriétaires à y recourir, plutôt qu’à attendre le jour de leur décès.

La donation offre d’inestimables atouts :

  • le donateur et le donataire peuvent choisir le ou les moment(s) de l’acte ou des actes,
  • l’étendue et la nature de son objet,
  • les modalités de transfert les conditions qui leur paraîtront nécessaires ou opportunes.

S’agissant d’un véritable contrat, elle permet de s’entourer, tant pour celui qui donne que pour celui qui reçoit, d’une réflexion préalable et des conseils d’un avocat spécialiste ou d’un notaire. Ceci de façon à trouver la formule personnalisée la mieux adaptée aux visées de chacun des deux. Passé par acte authentique ou, s’agissant d’un don manuel, au moins enregistré, le transfert est connu de tous et fiscalement transparent.

Avantage annexe non négligeable, la combinaison de la donation avec les démembrements de propriété (usufruit, voire droit d’occupation, nue-propriété) offre suffisamment de souplesse pour garantir aux donateurs un confort de leurs dernières années de vie, comme s’ils étaient restés pleinement propriétaires.

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial