Ne plus aimer et se séparer ne coïncident pas toujours. Bien des couples s’épuisent dans une période éprouvante, qui commence par le constat : « C’est bel et bien fini entre nous » et se termine par la mention d’un divorce en marge des actes de naissance de chacun.
Entre les deux, au moins plusieurs semaines ou plusieurs mois pour trouver un accord au terme de négociations et l’entériner.
Parfois encore et heureusement plus rarement, plusieurs années, caractérisées par des batailles et des contestations, des succès amers et des défaites ambiguës.
Et si l’un des époux décède en cours de procédure, amiable ou contentieuse, que se passe-t-il ?
Pour le droit des successions, la réponse est simple : le conjoint survivant qui n’est pas divorcé est héritier et bénéficie de droits sur la succession du défunt.
Une personne peut-elle priver son futur ex-conjoint de tout droit successoral au cas où elle viendrait à décéder avant que le divorce ne soit définitif ? Voici une question récurrente posée aux avocats spécialistes en droit des successions
1. Quels sont les droits accordés actuellement aux veufs ?
Le droit actuel accorde à la veuve (ou au veuf) divers droits sur la succession de son conjoint. Les uns sont de nature exclusivement patrimoniale, d’autres à caractère social, portent sur le logement du couple.
Les droits patrimoniaux
Le conjoint survivant bénéficie de droits différents selon sa situation :
- Si le conjoint est en concurrence avec les enfants issus de son mariage : il recueille, à son choix, l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens
- Si le conjoint est face à des enfants d’un ou plusieurs précédent(s) lit(s) : il recueille exclusivement la propriété du quart dans le deuxième cas,
- Si le conjoint est face à un ou deux parents du défunt : il reçoit 1/2 ou 3/4 de la succession selon qu’il reste père et mère du conjoint décédé ou seulement l’un des deux.
Si le défunt ne laisse ni enfants (ou petits enfants), ni père ou mère, il a vocation à recueillir la totalité de la succession.
Les droits au logement
Pour ne pas ajouter de souci d’habitation aux diverses difficultés nées de la perte de son époux, le code civil accorde au conjoint survivant le droit d’occuper gratuitement le logement familial pendant un an. S’il s’agit d’un bien loué, le montant du loyer est pris en charge par la succession. S’il s’agit d’un immeuble, propriété de l’indivision successorale, le conjoint survivant en a la jouissance sans devoir s’acquitter, pendant cette période, de la moindre indemnité d’occupation.
Au-delà d’un an à compter du jour du décès, le conjoint survivant bénéficie, sur ce logement, jusqu’à son décès, d’un droit d’habitation auquel s’ajoute un droit d’usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
La donation entre époux
Enfin, il convient de ne pas oublier les droits nés d’une donation qui a pu être conclue entre les deux époux, accordant au conjoint survivant une large part de succession du pré-mourant dans les limites fixées par la loi.
2. Pourquoi déshériter un conjoint ?
Le plus souvent, ainsi qu’évoqué en introduction, cette interrogation surgit en cours de procédure de divorce : l’un des deux (au moins) a déjà refait sa vie, toute chance de réconciliation s’est évanouie et le cours de la procédure s’éternise, pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
Ayant tiré un trait définitif sur son passé matrimonial, un des deux époux entend que les conséquences patrimoniales soient aussi immédiates que possible. Quand son avocat spécialiste ou son notaire lui apprend que son « futur-ex » reste, juridiquement, son conjoint jusqu’à ce que le divorce soit définitif, il tombe des nues. En effet, il n’était pas préparé à ce qu’il n’y ait plus de recours en justice possible et, qu’à ce titre, son ex percevra une part d’héritage, si lui-même vient à décéder avant. Ne comprenant pas que le droit ne s’adapte pas immédiatement au cours de la vie (au moins de la sienne), il entend prendre lui-même toutes les dispositions nécessaires pour anticiper.
On laissera au rang des romans les très rares hypothèses dans lesquelles le pré-mourant a secrètement préparé une froide et machiavélique vengeance « post mortem » contre celui qui jusqu’au bout est resté son conjoint, sans la moindre velléité de séparation complète et définitive.
3. Comment déshériter un conjoint ?
Cela peut prendre différentes formes :
Le droit d’occupation gratuit du logement familial
Cette faculté, d’une durée d’un an, ne peut être supprimée, sans aucune exception. La loi considère ce droit comme une conséquence du mariage et non comme un droit successoral et le qualifie comme étant d’ordre public.
Le droit d’occupation viager à titre onéreux
Un époux peut priver son conjoint survivant du droit d’occupation viager, moyennant indemnité d’occupation. L’hypothèse est expressément prévue par la loi, mais soumise à une condition de forme : la rédaction d’un testament par acte notarié. La simple expression d’une telle volonté serait sans portée si elle n’était exprimée uniquement dans un testament olographe.
Les droits patrimoniaux
S’agissant des droits successoraux, la solution est différente selon que le défunt laisse ou non des descendants.
- Dans la première hypothèse, le conjoint survivant est bien héritier, mais pas héritier « réservataire ». En conséquence, il est possible de prévoir, par testament, qu’il sera privé de tout droit à la succession ou d’organiser une série de donations et legs telle qu’il n’y aura plus de biens pour lui dans la succession.
- Dans la seconde hypothèse, le conjoint survivant devient héritier réservataire, à hauteur d’un quart de l’actif net et ce, quelles que soient les dispositions prises, par testament olographe ou authentique.
Cette différence, issue des lois de 2006, est difficile à comprendre et suscite la critique de bien des professionnels.
La donation entre époux
Il est aisé de faire disparaître les avantages consentis par une donation entre époux. Elle est, par nature, toujours révocable : par testament, par acte spécifique notarié ou non, dont la formulation est claire, voire par la conclusion d’un acte juridique postérieur incompatible avec cette donation, telle qu’une nouvelle donation des mêmes biens à un autre que le conjoint survivant ! Les tribunaux ne se montrent d’ailleurs pas très exigeants pour recevoir la preuve de la révocation.
4. Quelles sont les conséquences ?
Les premiers actes des opérations de succession, notamment l’acte de notoriété, feront apparaître le conjoint survivant dans sa qualité d’héritier. Cependant, dès la connaissance des diverses dispositions prises par l’époux décédé, il sera écarté de toute la suite du processus, hormis en ce qui touche au droit au logement gratuit pendant un an.
Un droit « alimentaire »
Tout lien ne sera pas rompu pour autant, puisqu’il reste au conjoint survivant non divorcé, un droit dont il ne peut être privé : le droit à une pension. Il doit être dans le besoin, en faire la preuve et réclamer aux héritiers cette pension dans le délai d’un an qui suit le décès de son époux.
Le montant de cette pension fait l’objet d’un accord amiable ou est fixé par une décision de justice. Les sommes nécessaires sont prélevées sur l’actif de la succession, même s’il faut pour cela vendre des meubles ou des immeubles. Elle est due tant que le conjoint survivant est dans le besoin et tant que l’actif le permet. Une fois l’actif épuisé, le versement se tarit, car cette obligation n’est pas, en tant que telle, transmissible aux héritiers.