Comment gérer une succession vacante via un curateur ?

Comment gérer une succession vacante via un curateur ?

Si bien des successions font l’objet de contestations entre héritiers, entre héritiers et légataires universels ou à titre universel, entre légataires universels ou à titre universel, il arrive qu’un héritage ne soit revendiqué par … personne !

Une telle situation n’est nullement exceptionnelle, tous les avocats spécialistes en connaissent, et pour cause, il s’en présenterait près de 13 000 par an, pour un total d’actifs relativement modeste, qui serait à hauteur de 200 millions d’euros.

En conséquence, le législateur a prévu ce type de cas et a organisé toute une procédure pour en assurer la gestion. Il qualifie cet évènement juridique de « succession vacante » et propose des solutions d’attente (qui peuvent devenir définitives) pour parer au plus pressé.

En effet, une succession peut comprendre des immeubles dont il faut encaisser les loyers, payer les charges, des parts majoritaires de sociétés civiles ou commerciales qui doivent pouvoir continuer leurs activités, au profit de leurs clients et dans l’intérêt de leurs salariés.

Seuls les héritiers ou les légataires universels ou à titre universel ont le pouvoir de prendre les décisions utiles et de décider de l’administration des immeubles ou des sociétés. Si personne ne se présente au notaire, comment les gérer ?

Le code civil a ainsi prévu la désignation d’un curateur pour gérer une succession vacante.

Quand envisager la désignation d’un curateur ?

Il faut qu’une succession soit « vacante » (cf. art 809 code civil). Une succession est déclarée vacante dans plusieurs hypothèses, qui se résument en une seule : personne ne la réclame au notaire qui en a la charge !

Les causes de ce désintérêt apparent peuvent être très variées :

Une société commerciale en pleine activité ne peut pas attendre au-delà de 6 mois que des actionnaires majoritaires décident de la politique à suivre, voire nomment un nouveau dirigeant.

Plus simplement, les avocats spécialistes en droit des successions conseillent cette procédure aux légataires à titre particulier qui, faute d’héritier ou de légataire universel ou à titre universel, n’arrivent pas à se faire délivrer leur legs.

Comment aboutir à la désignation d’un curateur ?

 Selon les dispositions de l’art. 809-1 code civil, il convient de s’adresser au juge (Président du tribunal judiciaire) par voie de requête, nécessairement présentée par un avocat ; toute personne intéressée (créancier, administrateur, notaire) a compétence pour ce faire. Même le procureur de la République peut saisir, directement, le magistrat.

Il s’agit d’une procédure simple et rapide : l’avocat, de préférence spécialiste en matière de succession, rédige un exposé de la situation de vacance, y joint toutes les pièces utiles (acte de décès, courriers du notaire, actes de renonciation, etc.) et sollicite du juge la désignation d’un curateur, ainsi que toute mesure spécifique qui apparaîtrait appropriée : placement de fonds, mesure de congé d’un locataire, paiement d’une dette urgente, par exemple. Il n’y a évidemment pas de contradicteur.

La décision (ordonnance sur requête) est rendue dans un bref délai, le plus souvent quelques jours ; elle fait droit au moins à la nomination du curateur et à celles des mesures particulières que le magistrat a jugé immédiatement nécessaires.

Depuis quelques années, c’est le service de la Direction de l’immobilier de l’État (DIE) qui se voit confier exclusivement cette mission ; ce service est rattaché à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP). C’est donc un fonctionnaire de ce service, choisi en fonction du lieu d’ouverture de la succession, qui recevra délégation du directeur à cette fin.

Quelles sont les missions du curateur ?

 Le curateur va prendre en charge des missions d’ordre général et des opérations particulières.

Pour les missions d’ordre général, il s’agit d’informer et de faire un état de la situation.

L’information concerne les héritiers potentiels ou déclarés, les éventuels légataires, mais aussi les créanciers. Elle s’effectue par l’insertion d’un avis dans un journal d’annonces légales diffusé dans le ressort du tribunal compétent. (Cf. art 809-1 code civil et 1342 code procédure civile). Cette publicité est souvent accessible via Internet.

L’état de la situation s’effectue par le biais d’un inventaire estimatif couvrant l’actif et le passif, confié, selon la nature des biens recensés, à un notaire ou à un commissaire de justice (autrefois huissier ou commissaire priseur judiciaire).

Dès qu’il est dressé, daté et signé par le curateur, avis en est donné au juge qui a rendu l’ordonnance sur requête et il est procédé à la publication de cet avis, selon les mêmes modalités que précédemment (Cf. art 809-2 code civil et art 1344 code procédure civile).

Une fois connues les forces de la succession, le curateur peut alors, sans risque, procéder à des opérations particulières ; ces opérations vont du paiement des dettes de la succession aux créanciers qui se sont fait connaître, jusqu’à l’établissement d’un projet de réalisation (vente) des biens composant l’actif pour ne conserver, au final, que des fonds qui seront consignés, en passant par la poursuite d’une activité commerciale, la délivrance de legs particuliers et la vente de biens meubles ou immeubles si les circonstances l’exigent, selon des modalités assez contraignantes pour garantir que tout ou partie du patrimoine successoral ne sera pas « bradé » (Cf. art 810-2 et suivants code civil).

Comment prend fin la curatelle ?

La curatelle se termine si un héritier (ou un légataire universel) se manifeste et accepte la succession ; le curateur lui rend compte de sa gestion et lui laisse la responsabilité de la suite des opérations (Cf. art 810-7 code civil).

Si aucun héritier ou légataire universel ne vient réclamer la succession, le curateur va poursuivre sa mission en procédant à la vente de tous les biens composant la succession de façon à ne conserver que des fonds qui seront consignés.

Ces fonds reviendront aux héritiers ou légataires universels qui se seraient fait connaître tardivement ou à l’État s’il se révèle que la succession est « en déshérence » (Cf. art 810-12 code civil).

La succession est dite « en déshérence » lorsqu’il n’existe pas d’héritier ou lorsqu’elle a été purement et simplement abandonnée (Cf. art 811 code civil).

Ce régime mis en place par la code civil à l’occasion de la plus récente réforme législative en matière de successions (23 juin 2006) a fait la preuve de sa relative efficacité, tant les pouvoirs accordés au curateur sont variés et adaptés aux diverses situations qui peuvent se présenter.

Pour pallier les insuffisances de publicité (bien peu de particuliers et pas beaucoup de professionnels consultent les journaux d’annonces légales), la Direction générale des finances publiques (DGFIP) a lancé le portail web « Successions vacantes » qui est accessible gratuitement à l’adresse https://recherchesuccessionsvacantes.impots.gouv.fr

Toute personne, créancier, héritier, légataire, notaire, avocats peut ainsi vérifier si une succession déclarée vacante a été confiée à l’administration des services du Domaine et connaître son état d’avancement.

Textes de référence : art 809 et suiv. code civil et 1342 et suiv. code procédure civile

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial