Cour de Cassation – première chambre – 9 juillet 2014 – n° 13-18685
R. Z.., un homme âgé et souffrant de troubles de la vision dicte ses dernières volontés le 8 janvier 2001, laissant ainsi un testament authentique par lequel il institue ses deux enfants survivants (un frère et une soeur) légataires universels.
Il décède le 20 février 2005, laissant comme héritiers son fils et sa fille, mais aussi une petite fille venant par représentation de son père pré-décédé.
A l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage, le notaire fait état d’un codicille (document qui amende un testament) qui a été précédemment déposé à l’étude et par lequel R. Z… lègue la quotité disponible à son seul fils.
Le document satisfait aux conditions exigées pour les testaments olographes : il a été rédigé de la main du testateur, par lui signé et son style est dénué de toute ambiguïté. Mais, la date portée sur cet écrit est le : « 21 août 200001 » !
La fille du « de cujus » charge alors son avocat de saisir le tribunal de grande instance pour faire prononcer la nullité de ce codicille et se voir ainsi rétablie dans ses droits de légataire universel.
Elle obtient une expertise graphologique au terme de laquelle l’analyste conclut que l’ensemble du document a bien été écrit par R. Z… y compris la date.
Partant de cette constatation, son avocat sollicite un complément d’expertise et soulève, entre autres moyens de droit, la nullité du codicille au motif que cette date est « impossible » et équivaut donc à une absence de date.
Le tribunal dans un premier temps, la cour d’appel dans un second temps, refusent toute nouvelle expertise, expliquent l’erreur d’écriture de la date par la maladie du scripteur et, interprétant le « 21 août 200001 », retiennent qu’il convient de lire « 21 août 2001 ». Ils en tirent la conséquence que ce codicille est parfaitement valable et doit recevoir application.
Logiquement insatisfaite, la demanderesse forme un pourvoi en cassation et critique cette « dénaturation » de la date.
Par cet arrêt du 9 juillet 2014, la 1ère chambre de la Cour de Cassation rejette ce pourvoi et approuve la cour d’appel d’avoir ainsi rectifié la date, en soulignant que les juges ont tiré la conséquence de deux constatations : d’une part le texte du codicille cite le testament authentique du 8 janvier 2001, d’autre part, un témoignage incontesté fait état du dépôt de ce codicille chez le notaire en 2001.
Comme le rappelait dès le début de la procédure l’avocat du défendeur, on tirait la conséquence de la mention du testament du 8 janvier 2001, que ce codicille lui était postérieur ; du témoignage selon lequel ce codicille avait été déposé à l‘étude notariale en 2001, au plus tard, on déduisait que le testateur avait nécessairement rédigé son acte en 2001 et voulu écrire 2001, n’y parvenant mal qu’en suite de sa maladie.
Ce faisant, cet arrêt met en relief les difficultés, bien connues des avocats spécialistes en droit des successions, de rédaction et de lecture des testaments olographes.
La moindre erreur, la plus petite maladresse, l’ambiguïté la plus bénigne peuvent se révéler tantôt lourdes de conséquences, tantôt sans aucune portée.
Que serait il advenu de ce procès sans le témoignage d’un tiers ?
Il faut examiner chaque situation au cas par cas et toujours au regard des règles de droit, en particulier des articles 970 et 1156 à 1164 du code civil et de leur interprétation par les tribunaux.
Rompu au droit des successions et aux arcanes du droit de la preuve, l’avocat spécialiste des successions pourra peser les styles, les formes, les expressions des testaments et en même temps rechercher tous les éléments extérieurs qui viennent soit corroborer, soit contredire une lecture des dernières volontés, avec un constant souci de la justice et du respect de la volonté du testateur.