Le partage judiciaire constitue la dernière étape d’un conflit en matière de succession, ce n’est malheureusement pas pour autant la plus facile et la plus courte !
En effet, la situation de conflit qui a généré un procès devant le tribunal ne cesse que rarement après le jugement. Les animosités persistent, de nouvelles chicanes se font jour, des obstacles soulevés par l’un ou l’autre des héritiers viennent compliquer le déroulement des opérations.
Il n’en est autrement que pour des successions à propos desquelles le tribunal a tout réglé, ce qui est exceptionnel.
Qu’est-ce que le partage judiciaire ?
C’est un temps de la procédure judiciaire qui est confié à un notaire, désigné par la justice. Il aura pour but de mettre un terme à une indivision, le plus souvent de nature successorale. Le partage judiciaire se déroule, souvent, sous le contrôle permanent d’un juge du tribunal qui a ordonné cette mesure : « le juge commis à la surveillance des opérations ».
Quels sont les textes de loi qui organisent le partage judiciaire ?
On trouve des textes dans le code civil et dans le code de procédure civile. Dans le code civil, ce sont les art. 840 à 842 qui en dessinent les grandes lignes, dans le code de procédure civile, ce sont les art. 1359 à 1378.
D’autres dispositions concernent également le partage judiciaire, en ce qu’elles sont communes au partage amiable et au partage judiciaire : art. 816 à 834 code civil.
Force est de constater que les dispositions du code de procédure civile se présentent de manière quelque peu disparate. Il ne serait pas inutile que le ministère de la Justice se penche sur une mise à jour de ces articles. En effet, il faudrait leur redonner une certaine cohérence et les adapter aux contraintes actuelles. Cette réforme ne serait pas très difficile à élaborer et à mettre en vigueur, puisque la procédure civile relève du domaine règlementaire. Aucune nécessité de passer par le double vote d’un texte à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Qui décide d’un partage judiciaire ?
Seule une juridiction judiciaire peut ordonner le partage judiciaire. Il s’agira le plus souvent du tribunal judiciaire, exceptionnellement de la Cour d’Appel (Cf. Art. 841 code civil et 1361 code procédure civile).
La juridiction statue par jugement après le déroulement de l’instance. Dans sa décision, le tribunal va :
- ordonner « l’ouverture d’une procédure de partage judiciaire pour la succession de X »,
- désigner nommément un notaire qui aura la charge de procéder aux « opérations de compte, liquidation et partage »
- et affecter, si l’affaire paraît le mériter par sa complexité, un juge du tribunal à la surveillance desdites opérations.
A cette occasion, elle pourra (si cela lui est expressément demandé) aussi trancher sur les droits des uns et des autres héritiers ou légataires, anticipant ainsi sur certaines modalités du partage. Sa décision sur ces points s’imposera au notaire et aux héritiers.
L’exemple le plus classique est celui de « l’attribution préférentielle » (pour plus de détails, consulter notre réponse : « Un héritier peut-il demander à recevoir un bien de la succession ? »).
Quand peut-on demander un partage judiciaire ?
Il faut et il suffit qu’il existe une indivision, c’est à dire que plusieurs personnes possèdent des doits identiques sur les mêmes biens. Il peut exister une indivision de propriétaires, de nus-propriétaires ou d’usufruitiers. Elle peut porter sur des droits immobiliers, sur des meubles ou sur des sommes d’argent. Elle résulte très souvent d’une succession ouverte et non réglée.
En revanche, lorsque deux personnes détiennent des droits différents sur un même bien, par exemple, l’un est nu-propriétaire, l’autre est usufruitier, il n’existe pas d’indivision et la procédure de partage judiciaire est inapplicable.
Heureusement, le droit prévoit d’autres possibilités pour résoudre les éventuels conflits entre l’un et l’autre dans ce dernier cas.
Qui peut demander un partage judiciaire ?
Les indivisaires eux-mêmes sont les premiers à pouvoir présenter une telle demande, comme le rappelle l’art. 815-1 code civil. Parmi eux, les héritiers, les légataires universels et les légataires à titre universel.
En revanche, un légataire à titre particulier (celui qui bénéficie, par testament, de la transmission d’un ou de plusieurs biens précisément désignés : un véhicule, un appartement, des meubles d’une maison, etc.) n’a pas qualité pour demander un partage judiciaire. En effet, pour obtenir le ou les biens qui lui ont été dévolus par le testateur, il doit demander « la délivrance » de son legs (cf. Art. 1014 code civil).
D’autres personnes sont autorisées à demander en justice le partage judiciaire : les créanciers d’un indivisaire, en application de l’art. 815-17 code civil. En effet, la loi leur interdit de saisir la part qui revient à leur débiteur dans la succession, tant que celle-ci n’est pas individualisée et précisée. Et la seule possibilité d’aboutir à cette individualisation est le partage. Ce n’est qu’après cet acte juridique que l’héritier sera seul et unique propriétaire de biens identifiés et non plus propriétaire indivis, avec les autres, de tous les biens de la succession.
Faute d’une telle menace, il serait facile à un héritier de ne pas payer son créancier et d’attendre que passe le délai de prescription pour s’engager alors dans un partage.
La loi prévoit qu’un ou plusieurs des co-héritiers peuvent prévenir l’assignation ou arrêter le cours de l’action en partage en payant le créancier, au nom et pour le compte de l’héritier débiteur. Celui (ou ceux) qui a (ont) payé ont vocation à être remboursés sur la part de la succession qui revient à leur cohéritier négligent ou infortuné.
Comment demander un partage judiciaire ?
Une seule possibilité est offerte par la loi : un procès devant le tribunal judiciaire. L’héritier, le légataire universel ou à titre universel, indivisaire, doit saisir le tribunal par une assignation et suivre le processus jusqu’au jugement (Cf. Art 1359 et 1360 code procédure civile). L’affaire est portée devant le tribunal dans le ressort duquel était domiciliée la personne décédée, selon les dispositions combinées des art. 720 et 841 code civil.
L’assistance d’un avocat est obligatoire, comme pour la plupart des procès devant le tribunal judiciaire. On ne saurait trop conseiller de choisir un avocat spécialiste, tellement le droit des successions et du partage judiciaire est particulier et compliqué.
Par exemple : c’est la seule action en justice qui doit être précédée d’au moins une tentative de conciliation, tentatives dont il faut apporter la preuve dans l’assignation, en application de l’art. 1360 code procédure civile.
Omettre ce préalable amènerait le juge à déclarer l’action en justice irrecevable, dès le début de la procédure !
Peut-on refuser un partage judiciaire ?
Lorsque la décision du tribunal est devenue définitive, il est impossible de refuser un partage judiciaire. En effet, tous les héritiers et/ou légataires doivent participer en se rendant aux rendez-vous fixés par le notaire, en répondant à ses demandes, éventuellement en lui communiquant les documents dont il a besoin.
Il pourrait venir à l’idée d’un héritier mécontent de refuser le partage judiciaire en pratiquant « la politique de la chaise vide », en gardant le silence, voire en ne laissant aucune adresse où le joindre. Mal lui en prendrait !
La loi donne au notaire la faculté de demander au tribunal de désigner toute personne qualifiée (un autre notaire, un administrateur judiciaire) qui représenterait l’héritier de mauvaise volonté jusqu’à la réalisation complète des opérations. Ce qui veut dire que l’acte de partage serait signé, sans observations de sa part, hors sa présence, mais surtout sans son accord. Ce qui n’empêcherait pas qu’il devrait en respecter les termes !
Ainsi, il pourra lui être attribué une somme d’argent alors qu’il aurait préféré bénéficier d’un terrain ou d’un appartement. Il ne pourra que s’incliner et sûrement regretter de n’avoir pas participé et fait valoir ses préférences.
Quelle est la mission du notaire dans le partage judiciaire ?
Selon les termes de l’art. 1364 code de procédure civile, le tribunal n’affecte un notaire au règlement d’une succession que « si la complexité des opérations le justifie ».
En pratique, les tribunaux désignent systématiquement un notaire, quel que soit le montant et la composition du patrimoine à partager, même s’il n’y a presque rien à faire. Le cabinet a même l’exemple d’un tribunal qui a désigné un notaire pour partager, en quatre parts égales, en tout et pour tout, une somme de 2 800 €, qui plus est, déjà en compte chez un précédent notaire !
Le notaire désigné par le tribunal doit, en exécution de l’art. 1368 code procédure civile dresser un « état liquidatif » dans le délai d’un an. Pour y parvenir, il devra organiser des rendez-vous et effectuer diverses opérations techniques.
Peut-on remplacer le notaire désigné ?
Normalement, c’est le même notaire qui prend en charge la totalité des opérations de partage judiciaire. Il peut déplaire à un héritier ou à plusieurs, à un légataire universel ou légataire à titre universel. Les méthodes de travail pourraient ne pas être appréciées, un qui le trouverai trop exigeant ou trop rapide, trop distant ou trop envahissant. Peu importe la raison, ce ne sera jamais une cause de remplacement.
En revanche, il peut advenir que le notaire désigné par le tribunal ne soit plus en mesure d’effectuer les diligences que lui impose sa mission :
- une surcharge exceptionnelle de travail,
- un état de santé préoccupant,
- un départ à la retraite (depuis la « loi Macron » d’août 2015, les notaires ne peuvent exercer leur fonction que jusqu’à 70 ans, avec une tolérance d’une année supplémentaire le temps que le successeur soit désigné par le ministre de la Justice),
sont les causes les plus fréquemment invoquées.
Il arrive aussi, c’est heureusement exceptionnel, qu’un notaire ne traite pas le dossier qui lui a été confié par le tribunal avec la rapidité, le sérieux et la compétence nécessaires. Dans un cas comme dans l’autre, il faut alors procéder à son remplacement.
La procédure est simple : l’avocat d’un héritier ou les avocats de plusieurs héritiers présentent une requête au juge commis à la surveillance des opérations pour solliciter la désignation d’un nouveau notaire, en expliquant les raisons qui poussent à ce changement (Cf. art. 1371 code procédure civile).
L’affaire n’a pas besoin d’être audiencée, tout se passe par écrit. Après examen de la requête, éventuellement lecture de l’appréciation des autres héritiers, le magistrat rend une ordonnance aux termes de laquelle il décharge le notaire choisi par le tribunal et en désigne nommément un autre, dans le ressort du tribunal. Le greffe se charge de communiquer cette ordonnance aux requérants et en avise le nouveau notaire.
Qu’est-ce qu’un état liquidatif ?
C’est un document expressément visé par les textes de loi applicables, notamment l’art 841-1 code civil et l’art. 1368 code procédure civile. Selon ce dernier texte, cet état « établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir ».
Cet acte dresse un état de la situation patrimoniale de la succession à une date la plus proche possible du partage :
- liste des immeubles avec leur valeur,
- inventaire des meubles (y compris les véhicules automobiles, aériens ou navals, les œuvres d’art) avec la valeur globale,
- les soldes créditeurs des comptes bancaires du défunt et les autres créances (loyers, remboursement de prêt consenti par le défunt) pour l’actif,
- les dettes, emprunts et autres taxes dues pour le passif.
Cet état liquidatif constitue la « photographie » du patrimoine successoral qu’il y a à partager. Il est complété par le calcul des droits de chacun et des propositions d’attribution à chacun des héritiers.
Si le notaire constate un conflit insoluble entre co-partageants, il peut aussi préparer des lots de valeurs équivalentes qui permettront un tirage au sort. (pour plus de détails, consulter notre réponse : « Comment se termine un partage judiciaire ? »)
Quels sont les pouvoirs et devoirs du notaire désigné par le tribunal ?
Pouvoirs étendus du notaire dans le partage judiciaire
Le notaire chargé de procéder au partage judiciaire reçoit une mission de la justice et à ce titre, il fait face à une responsabilité spécifique. En contrepartie, il détient des pouvoirs que son homologue chargé d’un partage amiable n’a pas.
L’objectif est d’aboutir à un partage dont la première manifestation sera la rédaction de l’état liquidatif.
Pour atteindre l’objectif qui lui a été fixé, le notaire a le pouvoir de convoquer les héritiers et/ou légataires et demander la production de tout document utile, tant pour connaître les droits de chacun que pour évaluer actif et passif de la succession, selon l’art. 1365 code procédure civile.
Il a accès à plusieurs fichiers, notamment :
- le fichier central des dispositions de dernières volontés (fichier des testaments)
Il s’agit d’une base de données créée par le notariat français (FCDDV), qui permet de connaître les informations sur les testaments confiés à un notaire : existence, lieu de dépôt avec coordonnées du notaire et état civil de la personne concernée. Attention : ce fichier ne recense pas les testaments olographes conservés au domicile ou confiés à un avocat ou un ami. - le fichier des comptes bancaires (FICOBA)
Ce fichier recense tous les comptes bancaires ouverts en France par la personne décédée, avec leurs références. - le fichier des contrats d’assurance-vie (FICOVIE)
Ce fichier recense les contrats de capitalisation ou les placements de même nature, notamment les contrats d’assurance-vie, dont le montant est supérieur ou égal à 7 500 €.
Devoirs et responsabilités du notaire dans le cadre juridique
Le notaire a le devoir d’interroger ces fichiers pour connaître les droits de chacun s’agissant du FCDDV et, en ce qui concerne les deux autres fichiers, pour connaître les sommes revenant à la succession (compte créditeur) ou dues par elle (emprunts et comptes débiteurs).
Il peut obtenir copie de tous les actes notariés qui intéressent directement ou indirectement la succession : vente, donation, convention d’occupation, etc. Par le biais des services de la publicité foncière ou par un contact direct avec le notaire qui a dressé l’acte.
Il peut, à tout moment, solliciter l’intervention du juge commis à la surveillance des opérations, pour rappeler à l’ordre les héritiers et/ou légataires, pour les convoquer ou prendre encore d’autres mesures. (Pour plus de détails, consulter notre réponse : « Quel est le rôle du juge commis à la surveillance des opérations ? »)
Il a le pouvoir et le devoir de procéder à l’estimation des différents éléments d’actif de la succession, directement ou indirectement.
Pour les meubles, il se fait assister par un commissaire de justice (ex-commissaire-priseur). Pour les immeubles, il dispose, notamment grâce aux données des chambres des notaires, de multiples informations sur l’état du marché immobilier. Il peut aussi recueillir l’avis d’agents immobiliers.
Si certains biens présentent un caractère exceptionnel (œuvres d’art de grande valeur, automobiles de collection, immeubles rares, par exemple), le notaire a la faculté de faire appel à un expert (cf. art. 1362 code procédure civile). Cette mesure est indispensable non seulement pour prévenir des contestations entre héritiers, mais également pour éviter tout contentieux avec les services fiscaux qui pourraient soupçonner une sous-estimation pour diminuer le montant des droits et taxes.
Enfin, il peut (et doit) saisir le tribunal pour faire désigner un représentant d’un co-partageant qui serait constamment défaillant. (pour plus de détails, consulter notre réponse : « Peut-on refuser un partage judiciaire ? »)
La désignation du juge commis à la surveillance des opérations
Ce magistrat du siège est choisi par le tribunal dans le jugement qui ordonne le partage judiciaire. Ce n’est pas une mesure obligatoire : selon les dispositions de l’art. 1364 code procédure civile, cette nomination n’intervient que « si la complexité des opérations le justifie ».
C’est la même formule que pour la désignation d’un notaire mais, à cette différence près, que les magistrats se montrent plus prudents et désignent moins fréquemment un juge qu’un notaire. La cause de cette disparité tient certainement à une application plus orthodoxe de la loi, mais aussi à l’encombrement des juridictions, sachant que la charge de travail du juge commis à la surveillance des opérations peut être fort lourde.
Les tribunaux ne désignent plus nommément un magistrat, pour des raisons tenant à la possibilité d’une nomination dans une autre juridiction. Ils se contentent de confier cette tâche « à tout juge de la section ou du pôle compétent pour les affaires familiales ».
Si, en cours de procédure, la nécessité se fait sentir de la désignation d’un juge commis à la surveillance des opérations, il sera possible de revenir devant le tribunal, pour solliciter sa désignation.
En pratique, ces demandes postérieures sont très rares, notamment parce qu’un co-partageant, héritier ou légataire, gagnera du temps à saisir le tribunal pour trancher la difficulté qui pourrait justifier la désignation d’un juge commis.
Quel est le rôle du juge commis à la surveillance des opérations de partage judiciaire ?
Surveillance et intervention pour assurer le déroulement du partage
Les textes du code de procédure civile lui confient une double mission : s’assurer du bon déroulement du processus de partage et constituer un recours en cas de problème technique.
Pour s’assurer du bon déroulement du partage, le juge commis à la surveillance des opérations a vocation à être tenu informé de toute difficulté rencontrée par le notaire dans le cours de sa mission (art. 1365 code procédure civile) et à intervenir pour lever les obstacles.
Il agit à l’amiable en tentant une conciliation (art. 1366 code procédure civile) ou de manière autoritaire, en enjoignant un ou plusieurs héritiers ou légataires de procéder à une diligence précise :
- communiquer une pièce,
- apporter une réponse à une question,
- payer une provision sur frais, etc.
Il peut même assortir sa décision d’une astreinte, c’est à dire d’une condamnation à un paiement d’une somme d’argent par jour de retard à s’exécuter. (Art. 1371 code procédure civile)
Rôle de recours en cas de blocages techniques
Il est destinataire du dossier en cas de blocage pour prendre une décision sur la suite à donner :
- réunion amiable de tous les héritiers et/ou légataires,
- convocation d’un seul d’entre eux,
- transmission au tribunal (art. 1373 code procédure civile).
Il constitue également un recours en cas de problème technique. Outre ce pouvoir de délivrer des injonctions aux co-partageants ou au notaire, il est compétent pour statuer sur les demandes relatives à la succession pour laquelle il a été commis (art. 1371 code procédure civile).
Ces demandes ne peuvent concerner que le déroulement des opérations, par exemple :
- trancher sur un dépôt de pièces litigieuses,
- sur un refus de remettre les clefs d’un immeuble,
- sur la remise d’un véhicule dépendant de la succession,
- sur le paiement d’une provision, etc. (Art. 1371 al 3 code procédure civile).
Il ne peut pas statuer sur un problème affectant les droits d’un co-partageant.
Un héritier peut-il demander à recevoir un bien déterminé de la succession ?
Conditions générales pour l’attribution de biens spécifiques
Si les opérations de partage judiciaire se passent dans un climat apaisé, les héritiers et/ou légataires peuvent convenir entre eux de l’attribution d’un immeuble, d’un véhicule, d’un fonds de commerce, de parts de société, à celui qui en fait la demande.
Il est normal que celui des enfants qui a géré une société familiale reçoivent tout ou la majeure partie des parts figurant à l’actif de la succession, que celui qui n’a pas d’automobile reçoive la voiture du parent décédé et ainsi de suite.
Bien entendu, ces attributions tiendront compte de la valeur du bien et cela pourra donner lieu au paiement d’une soulte pour éviter qu’un co-partageant ne soit lésé.
Si l’animosité qui a entachée toute la procédure avant le jugement se prolonge dans le cours du partage judiciaire, il y a peu de chances que les attributions puissent se faire de bon gré.
Droit d’attribution préférentielle selon le code civil
Principes généraux de l’attribution préférentielle
Aussi, pour certains biens, la loi a prévu un droit de transmission au bénéfice d’un héritier, il s’agit de « l’attribution préférentielle », régie par les art. 831 à 834 code civil.
Le texte énonce qu’il s’agit d’une faculté et non d’une obligation, la décision étant laissée à l’appréciation des juges. En pratique, les tribunaux y font le plus souvent droit : s’il satisfait aux conditions posées par ces textes, l’héritier recevra le bien qu’il convoite, sans ou même contre l’agrément des autres indivisaires. Le nombre de cas est toutefois limité.
Types de biens concernés et conditions spécifiques
Sont visées en priorité les entreprises, qu’elles soient agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, soit en leur entier, soit en fraction(s). L’héritier doit alors prouver, soit qu’il est déjà propriétaire d’une partie de l’exploitation, soit qu’il participe ou a participé effectivement à l’exploitation de ladite entreprise (cf. art. 831 code civil).
S’agissant d’une exploitation agricole, le législateur s’est montré extrêmement attentif et ouvert à de multiples solutions d’attribution préférentielle, certaines relèvent de technique juridiques très spécifiques : ainsi pour l’engagement à constituer, à plusieurs, un groupement foncier agricole (cf. art. 832-1 code civil).
Cette mesure va s’étendre également aux droits liés à l’habitation, aux locaux accueillant une activité professionnelle et même aux meubles garnissant ces locaux, jusqu’aux véhicules automobiles ! (cf. art. 831-2 code civil).
La condition principale tient à la co-propriété : l’héritier qui fait une telle demande doit déjà être co-propriétaire des du ou des droits dont il sollicite l’attribution. Ce faisant, on réunit tous les droits sur un même bien entre les mains d’une seul personne, ce qui va éviter les situations conflictuelles à venir tout en maintenant le bien dans un cadre familial.
Procédure de demande d’attribution préférentielle
La demande d’attribution préférentielle peut être formulée devant le notaire, au cours des opérations qui lui ont été confiées. C’est le notaire qui appréciera alors si les conditions sont réunies.
L’expérience des avocats spécialistes en matière de succession les amène à conseiller de solliciter cette attribution avant le jugement, pour que la question soit tranchée de manière claire et motivée, que la solution s’impose à tous et que cette disposition ne serve pas de prétexte pour compliquer ou retarder le travail du notaire.
Y-a-t-il un délai maximum pour un partage judiciaire ?
Cadre général des délais pour le partage judiciaire
Il n’en existe aucun. L’art.1368 code procédure civile prévoit bien un délai d’un an accordé au notaire pour dresser l’état liquidatif, avec faculté de prorogation pendant un an supplémentaire. Cet allongement du délai est consenti par une décision (ordonnance) du juge commis à la surveillance des opérations, sur demande expresse du notaire.
En pratique, les notaires font de leur mieux pour respecter le temps qui leur est imparti, mais ils n’y parviennent que pour les successions simples, face à des héritiers dont l’animosité s’est tempérée ou éteinte.
Complexités et exceptions dans les délais de partage
Dans les successions compliquées, soit par la nature des éléments d’actif (patrimoine immobilier important à évaluer, parts ou actions de sociétés dont il faut estimer le prix, œuvres d’art à authentifier, etc.), soit par les conflits entre héritiers, même le délai de deux ans est quasi impossible à respecter.
La loi a d’ailleurs prévu, à l’art.1369 code procédure civile des situations qui constituent des causes de suspension du délai :
- désignation d’un expert et jusqu’à la remise du rapport ;
- adjudication ordonnée en application de l’article 1377 et jusqu’au jour de réalisation définitive de celle-ci ;
- demande de désignation d’une personne qualifiée en application de l’article 841-1 du code civil et jusqu’au jour de sa désignation ;
- renvoi des parties devant le juge commis en application de l’article 1366 et jusqu’à l’accomplissement de l’opération en cause.
Toutes ces dispositions sont, hormis la demande de prorogation de délai d’un an, d’application quasi inexistante. Toutes ces prescriptions ont un caractère indicatif et non impératif, aucune sanction n’est attachée à une quelconque violation ou dépassement de ces périodes et c’est d’ailleurs préférable.
Impact des délais sur les héritiers
Il serait totalement irréaliste de fixer une durée obligatoire qui devrait s’appliquer pour des successions simples comme pour des successions compliquées, sous peine de se retrouver à nouveau devant les juges.
Est-ce à dire que les héritiers seront les otages du moins pressé d’entre eux, qui pourra faire durer à loisir, soit parce qu’il n’attend rien de son héritage, soit parce qu’il a décidé de nuire aux autres co-héritiers ?
Heureusement, non. À tout moment, un co-partageant pourra demander au notaire de constater une situation d’enlisement et de saisir le juge commis, ou de constater une situation de blocage et préparer un procès-verbal de difficultés. (pour plus de détails, consulter notre réponse : « Comment se termine un partage judiciaire ? »).
Comment se termine un partage judiciaire ?
Processus initial de validation du projet de partage
Lorsque le notaire a établi son projet d’acte liquidatif, il le communique aux héritiers et/ou légataires et à leurs avocats, pour qu’ils fassent part de leurs observations et suggestions. Le dialogue qui s’instaure est en général assez bref et aboutit, soit à un accord de tous sur le texte final, soit au refus d’un ou plusieurs co-partageants.
Si tous valident le projet du notaire, on glisse du partage judiciaire au partage amiable, comme en laisse la faculté l’art. 842 code civil.
Les divers biens sont alors répartis entre les héritiers indivisaires selon l’accord, lequel est authentifié par un acte de partage, s’il existe des droits immobiliers à transmettre, ainsi que le prévoit l’art. 1361 code procédure civile.
Procédure en cas de désaccord sur le projet de partage
Si un héritier ou légataire rejette le projet du notaire, ce sera au tribunal de trancher et d’imposer un partage qui pourra revêtir plusieurs formes.
À cette fin, le notaire va dresser « un procès-verbal de difficultés » qu’il joint à son projet d’état liquidatif. Ce procès-verbal expose les critiques apportées par les uns et les autres indivisaires co-partageants au projet. Il est signé par toutes les parties.
Le notaire le transmet ensuite au juge commis à la surveillance des opérations (cf. art 1373 al 1 code procédure civile).
Tentatives de conciliation et décision judiciaire
En application des dispositions de l’art. 1373 al 3 et suivants code procédure civile, ce dernier apprécie la suite à donner. S’il lui semble que la situation n’est pas « désespérée », il tentera une dernière conciliation en convoquant tous les héritiers et/ou légataires devant lui pour une ultime négociation.
Si cette mesure échoue ou si le magistrat estime que les antagonismes sont trop prononcés, il renverra le dossier au tribunal, pour qu’il statue sur les seuls points de désaccord.
Résolutions possibles et suite du processus
Reprend alors le cours classique de la procédure civile : mise en état, conclusions, audience et jugement.
Le tribunal a le choix entre trois solutions :
- valider purement et simplement le projet du notaire (il homologue l’état liquidatif ou renvoie les héritiers et/ou légataires devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage, conformément aux prescriptions de l’art. 1375 code procédure civile) ;
- amender le projet du notaire sur un ou plusieurs points et inviter le notaire à dresser un acte de partage modifié en ce sens ;
- ordonner la mise en vente des divers biens de la succession qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués : la vente sera effectuée par adjudication, c’est à dire en justice « à la barre du tribunal ».
Dans le premier cas, le notaire a pu prévoir, conformément à l’art. 1363 code procédure civile, que les biens dépendant de la successions seraient regroupés par lots. Si tel est le cas, selon le texte de l’art. 1375 al. 3 code procédure civile, le tribunal ordonnera le tirage au sort pour l’affectation d’un lot à chaque co-partageant. Il décidera qu’il aura lieu devant le juge commis à la surveillance des opérations ou devant le notaire en charge du partage judiciaire.
Dans le deuxième cas, le tribunal pourra soit reconstituer les lots (rare en pratique), soit prescrire au notaire de les reconstituer en tenant compte des modifications qu’il a décidées.
Dans le troisième cas, la situation va se révéler plus compliquée. En effet, seuls certains biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués » feront l’objet de la vente par adjudication, tandis que d’autres resteront en nature et feront l’objet d’un partage ou d’une attribution.
Enfin, et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle, le jugement est susceptible d’un recours devant la cour d’Appel ! Ce qui nécessitera un délai supplémentaire de 15 mois au moins.
Quel est le rôle de l’avocat dans un partage judicaire ?
Le rôle crucial de l’avocat dans le partage judiciaire
Le partage judiciaire est une étape de la procédure devant le tribunal et il est donc normal que l’avocat qui a accompagné un ou plusieurs héritiers ou légataires devant le tribunal prolonge sa mission devant le notaire, d’autant que toutes les règles du code de procédure civile sont applicables, en particulier le principe du contradictoire.
Compte tenu du caractère très particulier de la procédure de partage judiciaire, il vaut mieux que l’avocat soit particulièrement expérimenté en la matière. Le label « spécialiste » accordé par l’Ordre des avocats en est une garantie.
Décision sur l’assistance juridique pendant le partage
Il convient toutefois de relever que l’assistance d’un avocat n’est plus, légalement, obligatoire… au moins le temps des discussions. En effet, en application de l’art. 1373 al 2 code procédure civile, après la transmission par le notaire du P.V. de difficultés et du projet d’état liquidatif au juge commis à la surveillance des opérations, « le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat. »
C’est donc à l’héritier ou légataire de décider de se faire accompagner ou non par son avocat pendant la phase de préparation du projet d’état liquidatif.
En pratique, les péripéties d’une procédure de partage judiciaire devant le notaire sont souvent l’occasion pour celui qui a perdu devant le tribunal d’essayer de reprendre devant le notaire ce qu’il n’a pas obtenu des juges. Certains y mettent beaucoup de pugnacité et peu de scrupules. Aussi le plus souvent, les héritiers ou légataires prolongent la mission de leurs avocats.
La valeur ajoutée de l’avocat dans les opérations de partage judiciaire
Si l’avocat reçoit mission d’assister un ou plusieurs héritiers ou légataires, sa valeur ajoutée est triple :
- le conseil face aux demandes du notaire et des co-partageants ;
- l’incitation à faire progresser les opérations ;
- la représentation devant les juges.
Les occasions de conseil sont multiples. Elles visent tout d’abord la stratégie à mettre en œuvre :
- attitude conciliante ou exigeante en droit,
- choix de la rapidité ou de l’orthodoxie juridique, etc.
Ensuite, les techniques de droit mises en œuvre pour le règlement d’une succession sont très variées et souvent compliquées :
- Doit-on expertiser un bien de l’actif, si oui qui le fera ? (art. 1365 code procédure civile)
- Doit-on vendre un bien en cours de partage, si oui à quelles conditions et que fera-t-on du prix de vente ? (Art. 815-5 code civil)
- Peut-on et comment demander une indemnité d’occupation, à combien l’estimer ? (Art.815-9 code civil)
- Vaut-il mieux accepter d’abandonner une partie de ses espérances en échange d’un règlement plus rapide de la succession ?
Ce faisant, l’avocat s’assure que les règles de droit civil et de procédure sont bien respectées et que les intérêts de son client ne sont pas lésés.
Il a aussi pour mission de solliciter le notaire, les autres co-héritiers, éventuellement des tiers (banques, assureurs, dirigeants de société), pour qu’ils communiquent rapidement les renseignements demandés, nécessaires au règlement de la succession.
Il lui appartient de proposer des mesures : simples telle une réunion de tous chez le notaire pour faire le point, ou plus complexes, tel le calcul d’une dette d’usufruit ou la demande d’une attribution préférentielle.
Intervention de l’avocat pour débloquer les impasses
Si le processus lui apparaît « enlisé », il pourra demander au notaire de saisir le juge pour débloquer la situation, voire lui adresser directement une requête afin qu’il ordonne un remplacement, une communication de pièces, la rédaction d’un acte, etc.
Enfin, l’avocat d’un héritier ou légataire a seul le droit de représenter un héritier ou légataire co-partageant à partir du moment où reprend une procédure devant un juge, qu’il s’agisse du juge commis ou du tribunal (cf. art. 1373 code procédure civile).
Bien entendu, l’avocat est rémunéré de manière distincte pour cette nouvelle mission et le coût des honoraires (dont la base est fixée par une convention) dépendra de la complexité de la procédure. Les cabinets d’avocats facturent, le plus souvent, leur prestation à l’heure et non au forfait.
Qui paie les frais d’un partage judiciaire ?
Les frais sont tarifés et partagés au prorata de la part de chacune des parties au partage. Le projet d’état liquidatif fait apparaître ces divers coûts.
Les tarifs des divers actes accomplis par le notaire, complétés par le montant éventuel des frais et taxes, est fixé de manière règlementaire. Il est, évidemment, sujet à augmentation, selon les décisions du gouvernement.
On trouve facilement les divers tarifs et frais sur les sites internet tels que : service-public.fr, economie.gouv.fr et notaires.fr.
Il existe également une rémunération libre, à convenir avec le notaire, s’il lui est demandé une consultation. En pratique, on ne la rencontre pas dans les procédures de partage judiciaire.