Cour de Cassation – première chambre – 16 mai 2013 – n° 12-13637
Echaudés par les vérifications opérées par l’administration fiscale dans leur société, et surtout par les résultats laissant apparaître des «inexactitudes», un père et une mère de famille avait anticipé la suite logique, un examen tout aussi approfondi de leur situation personnelle.
Redoutant (sans doute à juste titre) des redressements conséquents, ils s’étaient précipités chez leur notaire où ils avaient fait donation à leurs sept enfants de la nue propriété d’un bien immobilier.
Ils pensaient, par cette habile opération, le mettre ainsi à l’abri des poursuites de cette redoutable administration et préserver quelque peu du patrimoine familial.
C’était oublier la rigueur du droit non plus fiscal, mais civil, et en particulier ce que les juristes appellent «l’action paulienne», technique plus prosaïquement exposée à l’art 1167 du code civil, selon lequel les créanciers d’une personne :
« peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits. Ils doivent néanmoins, quant à leurs droits énoncés au titre : Des successions et au titre Du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux, se conformer aux règles qui y sont prescrites. »
Le Trésorier Payeur Général, les juristes du ministère de Bercy et leurs avocats s’empressèrent d’en user devant le tribunal de grande instance, puis devant la cour d’appel de Paris, et ils obtinrent gain de cause.
Les juges reprochèrent, au nom de ce texte, à ces deux époux d’avoir fraudé, en utilisant une manoeuvre principalement destinée à empêcher l’administration d’obtenir le paiement de la dette fiscale, l’immeuble, étant au nom des enfants, ne pouvait plus être saisi et vendu pour payer droits, intérêts moratoires et pénalités prévus par le code des impôts.
Ils en tirèrent la conséquence en déclarant la donation de nul effet au regard du Trésor Public et l’immeuble restait susceptible de saisie.
Mais, par un arrêt du 16 mai 2013, la cour de cassation (1ère chambre civile n° 503 pourvoi n° 12-13637) vient de redonner l’avantage à ces contribuables, en rappelant un principe fondamental de l’action paulienne : il faut que le principe de la dette soit certaine.
Or, les hauts magistrats constatent que les époux avaient saisi les juridictions administratives pour contester leur dette fiscale et que celles ci n’avaient pas encore tranché ce litige, elle en déduit donc que cette dette n’était pas indiscutable et que, dès lors, les dispositions précitées de l’article 1167 du code civil ne pouvaient trouver à s’appliquer. Elle casse donc l’arrêt de la cour d’appel.
En l’état, la donation apparaît donc régulière et faite dans les délais; le fisc ne peut que constater qu’il arrive … trop tard.