Le nouveau droit des successions internationales

Le Parlement européen a adopté le 4 juillet 2012, un règlement de 80 articles relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, n° 650/2012.

Ce texte entrera en application, pour la quasi-totalité, le 17 août 2015, sans qu’il soit nécessaire que chaque Etat membre en recopie ou en adapte les dispositions dans une loi interne.

Il a pour objet de mettre un terme aux innombrables difficultés de règlement des successions internationales, c’est à dire de toutes les successions composées de biens situés dans deux ou plus pays de l’Europe.

A ce jour, le droit applicable à une succession est, le plus souvent, celui du domicile de la personne décédée, peu important sa nationalité.

Mais, si la succession comprend des biens immobiliers situés dans un (ou plusieurs) autre pays, c’est la loi de l’emplacement géographique des biens immobiliers qui s’appliquera, quelque soit le domicile, la nationalité ou la volonté exprimée du défunt.

Par exemple, lorsque le défunt qui était domicilié à Paris, laisse des immeubles à Bruxelles, à Turin et à La Valette, le droit belge s’applique pour les premiers, le droit italien pour les deuxièmes et le droit maltais pour ceux situés sur cette île.

Quand on sait que les législations régissant les successions offrent une large diversité de règles, pas toujours compatibles entre elles, on imagine la somme d’énergie à développer pour aboutir au partage final, même avec la bonne volonté des héritiers. Les avocats et les notaires peuvent en témoigner !!

Pour une vision rapide de cette diversité : http://www.successions-europe.eu

A partir de l’été 2015, un seul droit civil (le droit fiscal est exclu) aura vocation à s’appliquer pour toute la succession, depuis la rédaction du testament jusqu’au partage final, en passant par la définition d’héritier et les droits en découlant, le sort patrimonial du conjoint survivant, les modalités de transfert des biens la composant, meubles et immeubles, la responsabilité pour les dettes, et le rapport et la réduction des libéralités, quelque soit celui ou ceux des 28 pays de l’Europe concerné(s).

Si le défunt n’a laissé aucune dernière volonté sur ce point, il s’agira de la loi du pays dans lequel il avait, au moment de son décès, «sa résidence habituelle». (art. 21). La notion est proche de celle de domicile en droit français.

Mais la personne pourra décider, notamment par testament, de choisir, pour que soit réglée sa succession, la loi de sa nationalité, alors même qu’elle réside habituellement dans un des 27 autres pays (art. 22).

On évoque aussitôt la tentation de choisir son installation dans un pays en fonction de son droit des successions.

Certains de nos voisins permettent en effet de déshériter purement et simplement les enfants et n’accordent pas autant de droits au conjoint survivant. Ce serait une aubaine pour un père fâché avec ses enfants ou un époux séparé peu soucieux de divorcer à cause des conséquences financières.

D’une part, c’est une tentation à laquelle ne risquent guère de succomber qu’un nombre très limité de personnes, celles qui auront et le goût et les moyens de s’expatrier, au point de vivre habituellement et jusqu’à leur mort, dans un pays étranger.

D’autre part, le parlement européen a souhaité que puisse être sanctionnée toute manoeuvre qui consisterait à utiliser les présentes dispositions dans le seul but de fraude à la loi (considérant n° 26). Ce qui devrait aboutir à décourager bien de mauvaises pensées et à annihiler bien des mauvaises volontés.

Afin de prolonger cette considérable simplification de principe, l’Europe a également mis en place des modalités pratiques et techniques intéressant non seulement les bénéficiaires des successions mais aussi les membres des diverses professions, notaires et avocats en particulier, opérant en la matière.

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial