Comment bien rédiger son testament ?

Conseils de rédaction pour un testament

(Cour de cassation – Première chambre civile – 9 juin 2021 – n° 19-21.770)

Les juridictions sont régulièrement saisies de difficultés d’interprétation, parfois même de compréhension, du sens à donner à un ou plusieurs paragraphes d’un testament ; chacun des héritiers y voit ce qui lui est favorable, les notaires se partagent, les avocats s’opposent et les juges ont bien du mal à trancher.

 

La décision de justice

La situation évoquée dans cette décision est sans doute extrême, mais elle rappelle, à l’attention des avocats spécialistes, des notaires et des magistrats, une des exigences légales en matière de rédaction d’un testament olographe : il faut s’assurer que le testament est « l’expression authentique de la volonté personnelle de son auteur ». La plus évidente tient certainement à la langue choisie pour l’expression des dernières volontés.

Un citoyen allemand, divorcé depuis peu, s’installait en France en 1999 ; il y résidait jusqu’à son décès, intervenu en 2003, laissant trois enfants.

A l’ouverture de sa succession, sa sœur produisait un testament olographe, en date du 25 mars 2002, aux termes duquel il la désignait en qualité de légataire universelle.

Le conflit avec les héritiers ne tardait pas, les enfants refusant d’exécuter le testament. En revanche, pour des raisons inconnues, il durait longtemps, puisque la cour d’Appel de Chambéry ne rendait un arrêt que le 25 juin 2019.

Devant le tribunal de Thonon les Bains, puis devant la cour, la bénéficiaire du testament faisait valoir que ce document répondait parfaitement aux exigences du droit français : rédigé en langue française, entièrement écrit de la main du testateur, daté et signé et concordant avec une traduction en langue allemande dressée par une tierce personne.

Elle s’inspirait sans doute d’une ancienne décision de la même chambre de la Cour de Cassation (5 nov. 1956), selon laquelle : « le testament demeure valable lorsque son auteur, qui n’a fait que recopier un modèle, l’a transcrit en connaissance de cause et s’en est approprié le contenu. ».

L’argumentation emportait la conviction des magistrats de la cour savoyarde. A tort.

Statuant sur le pourvoi formé par les héritiers, la Cour de Cassation, le 9 juin 2021, sanctionne cette interprétation, se contentant de relever qu’il n’était pas contesté que le testateur ne comprenait pas le français et qu’en conséquence cet « acte ne pouvait être considéré comme l’expression de sa volonté ». Elle casse l’arrêt et invite les magistrats de la Cour d’appel de Grenoble à rejuger cette affaire.

Ce faisant, elle fait preuve d’une rigueur bienvenue en écartant « a priori » un testament rédigé dans de telles conditions : la langue est le support culturel et intellectuel fondamental de l’expression de la volonté. Comment exposer clairement, précisément et fidèlement ses intentions dans une langue inconnue ?

La « traduction » en allemand déposée par la sœur du testateur ne pouvait suppléer la méconnaissance de la langue française : elle ne présentait aucunement la garantie qu’elle ait bien été soumise à l’intéressé et qu’elle ait été préalable ou au moins concomitante avec la rédaction du testament, de telle sorte qu’il était impossible d’affirmer que le défunt avait retranscrit le modèle français en pleine connaissance de cause.

Cet arrêt s’inscrit parfaitement dans une jurisprudence traditionnelle, selon laquelle les conditions formelles imposées par la loi ont pour finalité de s’assurer que le testament olographe traduit exactement, pour reprendre l’expression classique « les dernières volontés » de son auteur.

Il eût été plus simple et plus efficace, pour ce citoyen allemand, de rédiger son testament dans sa propre langue, l’usage du français n’étant pas une condition de validité du testament.

Comment bien rédiger son testament en pratique ?

Cet arrêt offre l’occasion d’un rappel utile des principes qui doivent guider la rédaction d’un testament olographe, les testaments par acte authentique ou pris en application de la convention de Washington, bénéficiant de la présence d’un ou deux notaires, tenu(s) d’un devoir de conseil.

Le testament olographe est de loin le plus utilisé

Cette formule présente en effet de multiples avantages : 

  • simplicité, 
  • discrétion, 
  • facilité et rapidité de rédaction, 
  • adaptabilité à toutes nouvelles circonstances 
  • et sécurité (lorsque l’acte est ensuite confié en dépôt à un professionnel : notaire, avocat, huissier ou à un tiers digne de confiance).

L’art. 970 code civil, dont le texte n’a pas changé depuis 1804, n’édicte que peu de conditions :

  • un document entièrement manuscrit,
  • daté,
  • signé de la main de son auteur.

Modalités sans doute désuètes à l’époque des « textos », de l’ordinateur et de la vidéo, mais de nature à faire prendre conscience au rédacteur de la nature et de la portée de ce qu’il organise « post mortem ».

En revanche, ces conditions sont impératives : tout manquement, entorse, violation ou oubli de l’une de ces prescriptions affecterait la validité du testament. Dans ce cas, la succession ne pourrait plus être mise en œuvre selon les volontés de l’auteur, mais devrait suivre les règles légales.

En ce qui concerne l’écriture, l’essentiel est qu’elle soit compréhensible (pour la langue et le style) et déchiffrable pour le graphisme. Peu importe le support utilisé ; il est toutefois recommandé de procéder de manière simple en utilisant une ou plusieurs feuilles de papier, dans la langue usuelle, en s’attachant à une écriture la plus lisible possible.

En ce qui concerne la date, elle doit figurer sur le document et être indiscutablement antérieure au décès ; peu importe ensuite qu’il soit fait référence à l’un ou l’autre calendrier, voire à la commémoration d’un évènement familial (« Ce jour, date de mon 97ème anniversaire »), national (« en ce jour du 200ème anniversaire du décès de Napoléon 1er »).

Quant à la signature, elle doit seulement émaner de l’auteur du testament : le testateur peut signer aussi bien sous son nom de famille, que sous un pseudonyme notoirement utilisé, voire en usant du surnom sous lequel il est le plus connu de sa famille et de ses proches, à la rigueur même n’utiliser que son prénom.

Reste à s’assurer que le texte, d’une part traduira bien la volonté de son auteur, d’autre part ne révèlera pas d’incohérences.

Modèles de testament en ligne

Avantage de la technologie actuelle, les modèles de testament abondent sur de multiples sites web ; le meilleur y côtoie le pire, le simpliste s’affiche autant que le complexe. La variété est telle, les possibilités de personnalisation si nombreuses que chacun devrait pouvoir y retrouver celui qui convient à sa situation familiale et patrimoniale.

La tentation est grande d’utiliser ces modèles en ligne. Nous ne vous le recommandons pas pour les raisons suivantes :

  1. Doute sur la volonté personnelle du rédacteur

Il sera tentant (et peut être facile) de contester le testament en justice en faisant valoir que le testateur a choisi un modèle sans en mesurer pleinement les conséquences et la portée, sans qu’il corresponde certainement à sa volonté, à l’image de la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur.

Les avocats spécialistes rapprocheront cette hypothèse de celle dans laquelle un proche fournit, par la dictée ou sous forme de brouillon, un texte de testament dont le rédacteur ne mesure pas la totalité des suites : les tribunaux ne manquent pas alors de les déclarer sans valeur, faute de liberté et de clairvoyance du testateur.

En recopiant un modèle, le testateur reprend une autre volonté que la sienne : il faudra ensuite démontrer, sans doute avec des éléments extérieurs, qu’elle correspond bien à sa propre volonté de transmission de ses biens.

  1. Complexité technique de la matière

Parmi des centaines de modèles possibles, assortis de multiples variantes, comment choisir ce qui coïncide exactement avec la situation familiale et patrimoniale et avec les modalités spécifiques de transmission des biens ? Il est difficile de s’y retrouver.

Souvent, un terme est pris pour un autre, comme dans cet exemple classique :  « Je désire que la part réservataire revienne à tel ou tel héritier » (TGI Paris –  2ème ch 1ère sect. – 24 juin 2015 – RG n° 14/04052), alors que la testatrice visait probablement la quotité disponible, puisque la réserve est la fraction qui revient automatiquement et nécessairement aux enfants.

Que dire quand il faudra comprendre puis utiliser des mots comme : « préciput », « libéralité », « rapport » ? Certains sites web proposent des lexiques, mais ils ne peuvent qu’être sommaires et sont donc insuffisants pour une situation d’ensemble.

Il est finalement préférable de rédiger son testament dans la langue et le style que l’on maîtrise, sans rechercher d’inutiles effets en usant d’expressions juridiques savantes ; « je donne », « je veux avantager », « j’attribue tel bien », « je transmets telle somme d’argent », « je fais profiter sa vie durant » par exemple sont des formules suffisamment explicites, qu’il sera difficile de contester par la suite. La simplicité du style est un gage de clarté de l’expression.

Pour celles et ceux dont les données personnelles, familiales, sociales et patrimoniales sont complexes ou qui souhaitent faire preuve de prudence, rien ne vaut la consultation préalable d’un avocat spécialiste ou d’un notaire, qui pourra fournir les conseils objectifs appropriés sur les techniques à choisir et les termes à employer pour que les dernières volontés soient inattaquables.e

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial