Cour de cassation – première chambre – 25 novembre 2015 – n° 14-21287
Depuis le 17 août 2015, le droit français des successions connaît les effets du droit européen, et plus particulièrement du règlement adopté le 4 juillet 2012, et dont l’entrée en vigueur a été différée à plus de trois ans. (cf. Les successions internationales)
Ce n’est pourtant pas la première incursion du droit international en la matière, puisque la France a signé, depuis plusieurs dizaines d’années, maintes conventions internationales, bilatérales ou multilatérales, dont la portée se fait (plus ou moins) ressentir dans ce domaine.
Il en est une vers laquelle se tournent volontiers les avocat spécialistes en successions quand se pose un problème de validité d’un testament : la convention de Washington du 26 octobre 1973. Elle a été signée par la France le 29 novembre 1974, mais n’a été ratifiée que le 1er juin 1994.
Le droit français
Le code civil prévoit trois formes de testament : le testament olographe, le testament par acte authentique et le testament mystique. (art. 967 et suivants du code civil)
Seules les deux premières formes sont généralement utilisées.
Pour qu’un testament olographe soit valable, il doit être entièrement manuscrit et signé par son auteur, et de préférence daté, même si les tribunaux acceptent parfois de pallier cette carence.
Le testament authentique est rédigé par un notaire, sous la dictée de l’auteur et en présence de deux témoins, ou reçu par deux notaires ; il est signé par l’auteur, le (ou les) notaire(s) et les témoins.
La convention de Washington
Selon ce texte, le testament doit être écrit, de la main de l’auteur, d’un tiers ou par un procédé mécanique ; l’auteur déclare en présence d’un notaire et de deux témoins qu’il s’agit de son testament, et signe chaque feuillet, imité en cela par le notaire et les témoins.
Le notaire date le testament et remet ensuite une attestation de conformité de ce document aux règles posées par la convention.
Cette forme est peu usitée, même par des étrangers résidant en France, d’autant que le nombre de pays signataires de la convention ne dépassait pas la douzaine, au 31 mars 2015.
La pratique
Pourtant, les avocats spécialistes en successions savent qu’il vaut la peine de vérifier si, par extraordinaire, un testament rédigé sans respecter les règles du droit civil français, ne pourrait être valide au regard de la Convention de Washington. L’argument n’est bien entendu soulevé que dans la mesure où il a été satisfait aux conditions posées par la Convention, il est alors imparable et permet de faire respecter les dernières volontés d’un auteur en dépit d’erreurs formelles. (En ce sens, un arrêt de la C. Appel de Douai du 11 février 2013, confirmé par la cour de Cassation le 12 juin 2014).
L’exercice nécessite parfois de maîtriser et le droit international et les arcanes du droit notarial français.
La Cour d’Appel de Nimes se voyait soumettre le cas d’un testament authentique dont la nullité, en vertu du droit français, ne faisait aucun doute, en suite d’un faux.
Constatant que les conditions exigées par la Convention de Washington étaient réunies, l’avocat de l’un des héritiers priait la cour de juger que ce même testament n’en était pas moins valable comme « testament international ».
Il se heurtait à un refus, par arrêt du 30 janvier 2014, motivé par le fait que le testateur n’avait signé que la dernière page du testament, les autres ne portant que son paraphe, alors que la Convention de Washington prévoit que chaque feuillet doit être signé !
Par arrêt du 25 novembre 2015 (dont références supra), la Cour de Cassation désapprouve les magistrats nîmois : ils auraient du reconnaître la validité de ce testament international, car selon les dispositions de droit notarial français, le paraphe vaut signature quand il est porté sur un feuillet d’acte authentique.
Solution logique au regard du droit français, solution peut être audacieuse au regard de la dernière disposition (article 15) de la Convention de Washington qui prévoit :
« Pour l’interprétation et l’application des dispositions de la présente loi, il sera tenu compte de son origine internationale et de la nécessité de son interprétation uniforme. »
Il n’est pas sur que les dispositions réglementaires françaises soient de nature à favoriser une interprétation uniforme !
Les avocats spécialistes en succession et les notaires attendent donc avec intérêt la décision de la Cour d’Appel de Lyon à laquelle la cour de Cassation a renvoyé le litige.