Un au revoir sans adieu

Elle avait l’accent rocailleux du terroir. Toujours bien mise, coquette sans ostentation, elle arborait la veste qui sied avec la robe. Les bijoux, juste ce qu’il faut. Elle avait un grand goût pour bien tenir sa maison, que j’imaginais à son image coquette et agréable.

Son mari depuis toujours était à côté d’elle, ou plutôt juste derrière lorsqu’elle se déplaçait, souriant, heureux. Le couple de plus de 80 ans chacun, se regardait encore en souriant, joyeux et serein si longtemps ensembles, si proches.

C’est elle que j’ai croisé seule… les larmes aux yeux avec retenue.

Son mari était « parti ». C’est difficile de dire que son mari est mort, alors le mot « partir » devient celui que d’instinct on choisit lorsque c’est trop dur, et que l’on a trop de chagrin. Par pudeur…

Il est allé à l’hôpital, juste pour faire des examens sans fièvre, ni rien, seulement un malaise quelques jours avant.
« Je l’ai laissé avec son joli pyjama, celui que l’on prend pour partir en visite, celui des grandes nuits hors de chez soi. Je lui ai donné une robe de chambre légère, mais aussi une plus épaisse, au cas où il doive se lever la nuit, pour qu’il n’ait jamais froid. Je l’ai laissé… l’ambulance est venue le chercher. Nous nous sommes dit « au revoir », ce devait être de simples examens. Rien de grave, pas de fièvre. »

Ils l’ont mis avec les Covid en arrivant à l’hôpital car il n’allait plus très bien, mais il n’avait pas de fièvre. Ils lui ont juste dit qu’il était avec les Covid. Elle a eu beau dire que ce n’était pas cela, rien à faire, le couperet est tombé terrible, implacable : « Vous ne pourrez pas le voir », il est avec les Covid. Il a plus de 80 ans, alors c’est sûrement cela.

« Vous ne le visiterez pas ». C’était quasi militaire, impossible de forcer le barrage, impossible d’y aller. Impératif, brutal, sans appel.

Quelques heures plus tard, l’hôpital lui a téléphoné pour lui dire qu’il était décédé.

Elle ne pourrait pas le voir, ni même la mise en bière.

« Comment l’avez-vous habillé ? Mais ce joli pyjama… ». Il a été enseveli sans rien, juste avec sa chemise d’hôpital, nu pour l’éternité, rien autre.
« Et son alliance ? » « Vous ne l’aurez que si c’est possible. »

Quelques heures plus tard, l’hôpital lui apprenait que finalement il n’avait pas eu le Covid, mais étant donné son âge… on avait cru que c’était cela.

Alors elle a pu récupérer son alliance, tout ce qui lui restait de lui. Plus tard, on lui donnera le pyjama et les deux jolies robes de chambre.

Elle n’a pas pu lui dire adieu…

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial