Présidentielles 2022 : les droits de succession s’invitent dans la campagne

Le patrimoine qui est constitué pendant toute une vie a vocation à être transmis directement à ses enfants ou à des personnes proches. Ce patrimoine est la plupart du temps le fruit du travail, d’une bonne gestion et d’économies réalisées souvent pendant plusieurs années.

La moyenne de la transmission en France est de 70 000 euros. Bien entendu, il y a ceux qui ne transmettent rien et ceux qui transmettent un peu, ce qu’ils peuvent, et ceux qui transmettent beaucoup.

Les droits de succession sont une sanction de la transmission.

Heureusement, les patrimoines en dessous de 100 000 euros ne sont pas soumis aux droits de succession (art. 779 du CGI), donc là il n’y a aucune sanction. Au-delà de cette somme, il y a un barème progressif : plus vous héritez et donc plus le patrimoine est important, plus vous payez – cela peut aller jusqu’à 45% soit la moitié du patrimoine.

La France est le pays au monde qui taxe le plus et les droits de succession représentent au moins 1% des recettes fiscales. La France s’aligne déjà sur la Corée, le Japon et nos voisins belges. Alors que dans l’union Européenne, seuls 24 pays sur 37 prélèvent des impôts et la moyenne des prélèvements est de 0,5 %. Certains pays n’ont aucun droit de succession comme l’Autriche, la Finlande et la Suède.

La France est le pays de l’Union qui taxe le plus. De plus, les droits de succession doivent être réglés six mois après le décès ; celui qui hérite en France, au-delà d’un certain patrimoine, est étranglé et doit en outre régler des sommes considérables dans un délai de six mois.

 

Que préconise l’OCDE dans son rapport ?

Le rapport de l’OCDE a été publié en octobre 2021. L’OCDE, sous couvert d’une réforme fiscale, veut contraindre les États membres à augmenter encore l’impôt sur les droits de succession ceci alors que ce patrimoine a déjà été taxé puisqu’il a bien fallu payer l’impôt sur le revenu, les taxes foncières, l’IFI et autres taxes.

Ce qui revient à dire que les parents paient au cours de leur vie des impôts sur leur patrimoine et l’État recommence à leur décès, ce qui revient pour l’État à passer plusieurs fois la corbeille de l’impôt sur le même bien.

La prétention de l’OCDE est de :
• réduire les inégalités
• favoriser l’égalité des chances-
• accroître les recettes fiscales

Pour réduire les inégalités, l’OCDE propose de taxer à l’échelle d’une vie et non pas seulement au moment du décès. Cela signifie que chaque patrimoine serait taxé en tenant compte de ce que le bénéficiaire a déjà reçu. Donc celui qui au cours de sa vie reçoit plus paiera plus. Cela revient à dire que celui qui a un peu plus d’aisance sera taxé plus. Le rapport prévoit que celui qui a de haut revenus et un patrimoine sera taxé plus que celui qui a de bas revenus. Celui qui a un petit patrimoine ne sera pas taxé.

Pour favoriser l’égalité des chances, le rapport propose que les droits ne dépendent pas de la personne qui transmet mais de celle qui reçoit. Donc celui qui reçoit et qui aurait, par exemple, moins de revenus que son frère qui a mieux réussi, paierait moins de droits. C’est ce qui s’appelle punir celui qui a mieux réussi.
Si on considère que l’égalité des chances existe, puisque chaque citoyen a toute latitude depuis l’école pour réussir, trouver un travail et s’enrichir, la prime à celui qui ne fait rien est un cadeau. Encore une fois, il va falloir aider celui qui a moins, et sur toute une vie, en pensant favoriser l’égalité des chances.

Cela institue donc une hiérarchie inversée puisque celui qui a le moins est favorisé uniquement sur un curseur financier. C’est donc difficilement compatible avec la recherche du mérite et de l’excellence.

De plus, l’OCDE prévoit que le taux d’imposition sera le même, quel que soit le degré de parenté. En France, à l’heure actuelle, si un cousin hérite, il paie 60% de droits, un étranger à la famille aussi. Lorsqu’on sort du cercle familial, le taux est uniformément de 60%.

L’OCDE prévoit que finalement un enfant en ligne directe sera taxé comme un cousin ou un lointain parent. Encore une fois, c’est une volonté de mettre en charpie la notion de famille proche et la protection du noyau dur de la famille. C’est en effet une façon de permettre à des tiers d’hériter autant que les enfants légitimes issus d’une filiation directe. C’est donc une façon d’ébranler le patrimoine familial en mettant à même niveau un lointain cousin et son fils par exemple. Avec ce type de raisonnement, on est pas loin de vouloir porter atteinte à la réserve héréditaire, qui donne quoi qu’il arrive une part aux enfants.

L’OCDE prévoit aussi de taxer les assurances vies et d’en supprimer les avantages qui bénéficieraient aux plus aisés.

Le Conseil d’Analyse Économique, dans son rapport donné à Macron le 21 décembre 2021, calque sa position finalement sur le rapport de l’OCDE pour tenter par tous moyens de réduire les inégalités.

Or, transmettre est une volonté humaine, il n’y a pas que le domaine patrimonial mais aussi la culture et l’enracinement que donne la transmission. C’est une notion à laquelle sont attachés tous les Français.

Ceux qui ne transmettent pas ou ceux qui avaient interdiction de transmettre étaient ceux qui étaient réduits à l’état d’esclavage ou ceux à qui le régime soviétique avait, par exemple, supprimé tout droit de propriété. On sait ce que cela a donné : un patrimoine inexistant et non entretenu, tant il est vrai que les générations prennent soin de ce qu’elles savent pouvoir un jour donner. La notion de propriété nécessite la transmission.

Vouloir niveler la méritocratie, c’est refuser à la fois les inégalités naturelles et donner une prime aux oisifs. C’est aussi une confiscation du patrimoine qui a pour seul but de détruire la richesse.

Ce n’est pas à l’État de s’enrichir mais à chaque Français d’avoir la perspective de s’enrichir et de conserver pour lui et ses enfants ce qu’il a pu acquérir.

Il ne faut pas se tromper : un patrimoine nécessite des efforts pour le construire, l’entretenir et le maintenir. Combien de gagnants du loto n’ont plus rien par exemple… Hériter d’un patrimoine ne confère pas ad vitam eternam une aisance certaine, et on ne peut pas vivre uniquement sur l’héritage des parents, ceci d’autant que l’on hérite de plus en plus tard en raison de l’espérance de vie.

Il est irréaliste de penser que donner, par exemple, un capital aux jeunes prélevé sur les plus riches vont leur permettre de se lancer dans la vie. L’inégalité est un levier nécessaire, car on est toujours le pauvre de quelqu’un, ou le riche d’un autre.

Vouloir niveler la société ne revient qu’à appauvrir chacun de ses membres et à confisquer toute possibilité de progrès et d’amélioration individuelle de son sort. Cela revient à vider la société de son énergie et de son enthousiasme, et à donner à l’État la possibilité d’être un répartiteur autoritaire et égalitaire de richesses pauvres et dégradées.

 

Que disent les candidats à propos des droits de succession ?

  • Le Président Macron parle de « transmission populaire »
  • Marine Le Pen parle de réduire l’espace entre les donations et de ne faire payer des droits de succession qu’au-delà de 300 000 euros.
  • Eric Zemmour souhaite défiscaliser la transmission des Entreprises et baisser la fiscalité des droits de succession.
  • Valérie Pécresse parle de « baisser les droits », sans aucune précision.
  • Jean Luc Mélenchon prévoit lui un héritage maximum de 12 millions d’euros… heureusement que ce type de patrimoine est rare.

Il résulte de tout ceci que puisque la France est le pays qui impose le plus au sein de la zone euro : si les droits de succession étaient baissés par exemple de moitié, alors la France s’alignerait sur la majorité des pays de l’Union Européenne.

Si la France fait droit à ce rapport de l’OCDE comme à ce dernier rapport du Conseil d’Analyse Économique, alors la taxation sera encore plus élevée que ce qu’elle est actuellement. Nous deviendrions le pays le plus taxé au monde.

En réalité, les thèmes éthiques de réduire les inégalités et de l’égalité des chances habillent pompeusement une seule volonté : remplir les caisses de l’État et c’est ce que l’Europe souhaite au travers de l’OCDE.

Prétendre à tout prix réduire les inégalités conduirait alors à appauvrir toute une société, tout cela pour faire droit à une vision européenne égalitaire sans perspective individuelle dans le but d’enrichir chaque État.

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial