Hériter, bien sûr, à condition qu’il n’y ait pas que des dettes dans la succession ! On appelle cela une succession déficitaire. Souci bien compréhensible d’un fils, d’un conjoint, d’une sœur ou d’une nièce qui ne tiennent pas à mettre en péril leur situation par dévotion familiale.
Les avocats spécialistes en droit des successions mettent fréquemment en garde les héritiers ou légataires universels contre les risques d’une acceptation pure et simple.
En effet, celui qui accepte sans réserve, reçoit les biens du défunt, mais s’engage aussi à payer ses dettes !
Il existe pourtant des précautions, simples à prendre, pour éviter une telle mésaventure.
La notion de succession déficitaire
Comme tous les patrimoines, une succession se décompose en deux parties : l’actif et le passif ; la succession est déficitaire lorsque le passif est supérieur à l’actif.
Qu’il y a t-il dans l’actif d’une succession ?
Dans l’actif entrent les deux grandes catégories de biens : les immeubles et les meubles.
Que sont les immeubles ? « Les fonds de terre et les bâtiments » pour reprendre la formule du code civil.
- Les terrains, en ville ou en zone rurale. Ils incluent tout ce qui pousse dessus : arbres avec leurs fruits, arbustes, végétaux d’agrément (fleurs ou plantes décoratives), mais aussi les céréales en attente de la moisson. S’y ajoutent les ornements et éléments qui y ont été implantés tels que des œuvres d’art scellées ou des pylônes, poteaux ou autres supports de ce style.
- Les bâtiments correspondent aux constructions de toutes sortes (habitat, artisanat, industrie, commerce, technique, transport, etc.) édifiées par l’homme.
Tous les autres biens sont des meubles au sens juridique du terme. Cela va de la table ou du buffet aux titres de sociétés, en passant par des tableaux, bibelots, livres. Il peut s’agir aussi des soldes créditeurs de comptes en banque, de créances à recouvrer ou de billets de banque dans un coffre-fort.
Qu’il y a t-il dans le passif d’une succession ?
Dans le passif de la succession seront portées toutes les dettes liées, directement ou indirectement à la personne décédée
- les échéances de crédit,
- les factures non acquittées (électricité, gaz, eau, etc.),
- les impôts sur le revenu et autres taxes,
- les loyers,
- les débits sur compte bancaire
- les sommes qui ont pu être avancées par les organismes sociaux à titre d’aide.
- les éventuels règlements de comptes entre les deux époux. Par exemple quand l’un a prêté de l’argent à l’autre pour acquérir un immeuble ou des meubles.
- les frais funéraires et quelques dépenses intermédiaires.
C’est le premier travail du notaire en charge des opérations de partage. Il doit faire l’inventaire de la totalité des éléments d’actif et de passif. Le notaire dispose pour cela, en premier lieu, des renseignements fournis par les héritiers. Il dispose également d’un droit d’accès à divers fichiers, ce qui lui permet de contacter les banques, les sociétés et les services de la publicité foncière. Ces derniers pourront lui fournir une liste de biens meubles et immeubles. Mais aussi des avis de factures à acquitter ou d’emprunt à rembourser.
Il appartient également au notaire de chiffrer ou de faire chiffrer la valeur des éléments qui ne sont pas déjà comptabilisés :
- une évaluation par deux ou trois agents immobiliers, pour les terrains et les bâtiments ;
- la cote « Argus », pour des véhicules ;
- le devis d’un professionnel, pour le coût de réparations ;
- et pour des titres de société, l’analyse d’un expert-comptable.
Pour les autres meubles, il est conseillé de procéder à un inventaire avec une évaluation par un commissaire-priseur.
Une fois en possession de ces éléments, il lui est possible de dresser un état du patrimoine du défunt. Apparaîtra alors une valorisation de l’actif et du passif. Cela permettra de connaître le montant de l’actif net, bénéficiaire ou déficitaire.
Peut-on refuser une succession déficitaire ?
Tous les éléments d’actif et de passif sont connus
Chaque héritier, chaque légataire universel ou à titre universel a accès aux informations recueillies par le notaire. Il peut donc se décider en connaissance de cause d’accepter ou non la succession. Le droit laisse suffisamment de temps à chacun pour prendre sa décision. En effet, 10 ans tant que personne n’exige qu’il prenne parti, et au moins 6 mois (susceptible de prolongation) à partir du décès si un autre héritier ou un créancier le met en demeure de se décider.
Cela laisse largement le temps, pour la très grande majorité des successions, à un notaire diligent de dessiner un panorama fiable du patrimoine du défunt.
Les éléments d’actif et de passif ne sont pas tous connus
Il arrive parfois que la succession soit particulièrement compliquée. En effet, certains héritiers ne fournissent pas au notaire les renseignements qu’il attend. Ou bien que des créanciers se manifestent tardivement et au moment où il faut impérativement choisir, l’incertitude persiste. On ne sait pas si l’actif dépasse le passif, ou l’inverse.
La solution existe et les avocats spécialistes en droit du patrimoine familial la conseillent lorsque les doutes sont sérieux : accepter la succession à concurrence de l’actif net. Cette option limite les risques pour l’héritier ou le légataire universel.
- si la succession est bénéficiaire, il recevra le solde créditeur
- si la succession est déficitaire, le passif sera payé à hauteur de l’actif : il ne recevra rien mais il n’aura pas à payer les dettes du défunt.
Ce choix, à la différence de l’acceptation pure et simple, implique des démarches et formalités, qui ne présentent cependant aucune difficulté.
Que faire lorsque le déficit d’une succession apparaît trop tard ?
Il peut arriver, exceptionnellement, que la succession ne se révèle déficitaire que plusieurs mois, voire plusieurs années, après le décès. C’est le cas lorsqu’un créancier a tardé pour faire connaître sa créance contre le défunt et que celle-ci est d’un montant tel qu’elle fait basculer l’actif net en « passif net » !
L’avocat spécialiste en droit des successions va examiner avec le malheureux héritier les deux possibilités suivantes :
- La nullité de l’acceptation
Seul le tribunal est en droit de prononcer la nullité du choix d’accepter purement et simplement. Il faut, pour cela, démontrer que ce choix a été motivé par une erreur ou un dol. Exemple classique : une banque, interrogée par un notaire, déclare dans un premier temps que le défunt n’était nullement en compte avec elle ; mais, un an plus tard, alors que l’héritier a accepté la succession, elle l’informe qu’elle s’est trompée et que son parent lui était redevable de plusieurs dizaines de milliers d’euros, ce qui a pour résultat de rendre la succession déficitaire ! Il est évident qu’il n’aurait pas pris une telle décision s’ils avaient été informés de cette importante dette.
- La décharge de son obligation
L’héritier qui a accepté purement et simplement une succession peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu’il avait des motifs légitimes d’ignorer au moment de l’acceptation, lorsque l’acquittement de cette dette aurait pour effet d’obérer gravement son patrimoine personnel. C’est difficile à prouver mais pas impossible : il faut démontrer que l’ignorance de cet élément de passif est « légitime » c’est à dire que l’héritier a bien étudié la situation avant de se décider, a demandé au notaire et/ou à d’autres organismes les renseignements nécessaires et que rien ne permettait de déceler la dette litigieuse. Ensuite, il faut faire la preuve que l’acquittement de cette dette aurait pour lui des conséquences patrimoniales très lourdes ; par exemple, payer cette dette équivaudrait à le priver de tout revenu pendant plusieurs années ou le contraindrait à vendre le logement familial.
Autant savoir que les chances de succès dépendent largement des circonstances qui doivent être analysées au regard des exigences techniques de la loi, telles qu’appliquées par la jurisprudence.
Dans ce domaine aussi, « mieux vaut prévenir que guérir » et, en cas de doute, interroger le notaire ou l’avocat spécialiste en droit des successions, avant de prendre une décision lourde de conséquences.