Peut-on donner sa part d’héritage à un membre de sa famille ?

Peut-on donner sa part d’héritage à un membre de sa famille ?

La loi française protège certains héritiers en leur accordant une réserve héréditaire. Ils ne peuvent pas être déshérités (exhérédés) par la volonté de leur auteur, futur défunt. Il s’agit des descendants, en application de l’article 913 du Code civil, et, en l’absence de descendant, du conjoint survivant, en application de l’article 914-1 du Code civil.

Ces héritiers sont dénommés héritiers réservataires, et bénéficient de leur protection s’ils acceptent la succession de leur auteur.

Il existe deux façons d’accroître la part de ses cohéritiers, membres de sa famille. Un héritier peut renoncer à la totalité de sa part d’héritage, ou simplement, quand il s’agit d’un héritier réservataire, renoncer à l’avance à la défense de sa part de réserve.

 

Qu’est-ce que la renonciation à la part d’héritage ?

La renonciation à la succession du défunt par un héritier, réservataire ou non, qui n’a pas lui-même de descendance, et qui ne peut donc point être représenté, permet l’augmentation de la part de ses cohéritiers. Il s’agit d’une manière indirecte de laisser sa part d’héritage à certains membres de sa famille, en l’occurrence ses cohéritiers.

 

Qu’est-ce que la renonciation anticipée à l’action en réduction ?

Avant la réforme de 2006, un héritier qui avait la qualité de réservataire ne pouvait pas renoncer à agir en réduction avant l’ouverture de la succession. En effet, une telle renonciation était nulle en vertu de la prohibition des pactes sur succession future, qui interdit à tout héritier, réservataire ou pas, de renoncer à ses droits dans une succession non ouverte.

La loi de 2006 a validé cette renonciation anticipée, qui vient se rajouter à la liste des pactes sur une succession future autorisés par exception. Cette réforme a une incidence fondamentale chez les praticiens. Il est désormais possible de conclure ce que l’on nomme le « pacte de famille ». Il s’agit du nom donné au contrat par lequel le défunt règle, avec l’accord de ses héritiers qui ne pourront plus la contester, la distribution de ses biens.

Il faut cependant préciser que cette renonciation anticipée à l’action en réduction est très strictement réglementée par le Code civil, aux articles 929 à 930-5. Il s’agit de protéger l’héritier contre le risque d’un abus d’autorité du défunt qui contraindrait son enfant, ou son conjoint, à consentir à une telle renonciation.

Souvent, les héritiers réservataires renoncent ensemble. Ils le font, par exemple, au bénéfice d’un tiers, chacun renonçant par exemple à demander la réduction de la libéralité faite au conjoint, au partenaire ou au concubin. Mais ils peuvent également le faire à leur profit réciproque, chacun renonçant à demander la réduction des lots sont les autres auront été pourvus dans une même donation-partage. Ces renonciations sont dénommées convergentes ou croisées, et peuvent être réalisées dans un même acte.

 

Quelles sont les exigences règlementaires sur le contenu d’un acte de renonciation à succession ?

Sur le fond, le législateur exige de la part du renonçant la capacité de donner.

Un mineur ne peut consentir à une telle renonciation, quand bien même il serait émancipé. Le consentement du défunt est bien évidemment nécessaire, puisque la renonciation ne peut intervenir contre son gré, ni même à son insu, par un accord bilatéral entre l’héritier et la personne bénéficiaire de la renonciation. Il est inconcevable de conclure un contrat sur la succession d’un vivant sans son agrément.

Par ailleurs, la renonciation doit être spéciale pour ce qui a trait à la personne du bénéficiaire, qui est le donataire, ou le légataire, qu’elle met à l’abri de la réduction de sa libéralité. On comprend ainsi que l’héritier ne peut renoncer qu’au profit d’une ou de plusieurs personnes déterminées. Il est essentiel que l’héritier sache exactement à qui profitera sa renonciation.

En revanche, la renonciation peut être tout aussi bien générale que spéciale quant à la nature et à l’objet de la libéralité. Elle peut donc viser toute libéralité qui serait faite à la personne désignée, ou uniquement les donations à l’exclusion des legs, ou bien l’inverse. Il importe peu que la libéralité visée ait déjà été consentie, ou qu’elle ne l’ait pas encore été.

Précisons également que la renonciation ne peut stipuler aucune obligation à la charge du défunt. Par exemple, elle ne peut être subordonnée à une libéralité que le défunt devrait consentir au renonçant. La volonté du législateur est simple à saisir, puisqu’il ne veut surtout pas que l’héritier réservataire puisse monnayer sa renonciation. Il n’empêche que, très souvent, la renonciation vise à consolider une stratégie de transmission et qu’elle sera pour le renonçant la contrepartie d’une libéralité reçue ou attendue du défunt. Par exemple, les enfants d’un premier mariage peuvent renoncer à demander la réduction des libéralités que leur auteur a pu faire à son nouveau conjoint, en considération d’une donation qui leur a été faite ou promise.

 

Quelles sont les exigences règlementaires concernant la forme d’une renonciation à succession ?

Le législateur a posé de très grandes exigences.

De prime abord, il faut un acte notarié très spécial, puisqu’il faut la présence de deux notaires. La loi veut éviter que le renonçant ne reçoive le conseil que du seul notaire de famille, qui serait en fait celui du futur défunt. Le conseil donné à l’héritier doit être neutre. De même, le consentement de l’héritier renonçant doit être reçu par les notaires en l’absence de toute autre personne, notamment de son auteur, puisque la loi veut prévenir les abus d’influence. Cette règle est applicable, même en présence d’une pluralité de renonciations de la part des réservataires au sein du même acte.

Pour informer clairement le renonçant, l’acte doit mentionner les conséquences précises de la renonciation. Si, malgré ce formalisme, le consentement du renonçant n’a pas été libre ou éclairé, la renonciation pourra être annulée pour vice du consentement, pour erreur, dol ou violence.

 

Comment se met en en œuvre un acte de renonciation à succession ?

Si la renonciation est considérée comme valable, l’héritier ne peut plus exercer l’action en réduction à laquelle il a renoncé. Cependant, il n’a pas pour autant renoncé à sa réserve. C’est pourquoi, s’il existe plusieurs réservataires, il renonce à sa part dans l’indemnité de réduction, et corrélativement le gratifié ne se trouve exonéré que partiellement du poids de la réduction. Le renonçant ne sacrifie sa réserve que dans la mesure où la libéralité, imputée selon les règles posées notamment par les articles 919-1 et 919-2 du Code civil, y porte atteinte.

Ensuite, il est essentiel au plan fiscal de préciser que cette renonciation ne constitue pas une libéralité faite par le renonçant au gratifié qui en bénéficie.

Enfin, la renonciation est irrévocable dès lors que son auteur, le futur défunt, l’a acceptée. Si, en revanche, ce dernier n’a encore consenti aucune libéralité rentrant dans le périmètre de la renonciation, une révocation avec l’accord de l’héritier et de son auteur pourrait être envisagée. Seule la voie d’une révocation judiciaire reste ouverte en l’absence de ce double consentement.

Le cabinet Cazals, spécialiste en droit des droit des successions, peut vous accompagner dans vos démarches si vous souhaitez renoncer à une part de votre héritage ou si des cohéritiers entreprennent de renoncer à une partie de la succession familiale. Contactez-nous !

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial