Pourquoi avoir instauré un mandat à effet posthume ?
L’homme plus fort que la mort ? Chimère inaccessible ou anticipation raisonnée de biologistes à la pointe des recherches ?
Ce que la science, aujourd’hui, ne permet pas, le droit le facilite, depuis longtemps : il suffit de rédiger un testament pour régenter, au-delà de son décès, les membres de sa famille, ses amis et, surtout, ses biens ! Même si ce sont « les dernières volontés », ce sont bien des « volontés » que le code civil entend faire respecter.
En droit français, le testament a constitué, pendant des siècles, la seule façon de se faire entendre (et obéir) après le décès. Mais, depuis la fin du 20ème siècle et plus encore depuis le début du 21ème siècle, le législateur a créé d’autres techniques à la même fin.
Ce fut tout d’abord, en 1987, l’avènement de la fondation, inspirée du modèle anglo-saxon, (qui sera présentée dans une autre rubrique), puis en 2006 l’instauration du mandataire à effet posthume et de l’exécuteur testamentaire (qui fera également l’objet d’un article plus détaillé à ce sujet).
Ces deux dernières fonctions résultent des observations constantes des notaires et des avocats spécialistes en matière de succession, qui s’apercevaient – et s’aperçoivent encore – que les héritiers désignés par la loi et/ou les légataires ne respectaient pas nécessairement les dernières volontés du testateur et qu’il était difficile, voire impossible, de les y contraindre.
Qu’est-ce qu’un mandat à effet posthume ?
Le mandat à effet posthume vise à donner au mandataire le pouvoir d’administrer ou de gérer, tout ou partie de la succession future du mandant pour le compte et dans l’intérêt d’un ou de plusieurs héritiers identifiés.
La mission qui lui est confiée est donc assez modeste et s’apparente à une forme de mesure transitoire. D’une part, elle est limitée à l’administration et à la gestion des biens dépendant de la succession, sans possibilité de les vendre, qu’ils soient meubles ou immeubles. D’autre part, sa durée ne doit pas, en principe, dépasser 2 ans.
Quelles sont les conditions du mandat à effet posthume ?
Le testateur doit recueillir l’accord préalable de celui qu’il souhaite désigner comme mandataire posthume. il faut noter que cette charge ne saurait être imposée à qui n’en veut pas.
Le contrat de mandat à effet posthume doit ensuite être passé sous la forme authentique, c’est à dire devant notaire. Ce dernier pourra ainsi recueillir les consentements du mandant et du mandataire choisi.
Mais, et c’est là l’essentiel, un tel mandat n’est pas laissé à la discrétion (encore moins au caprice) du testateur. Ce n’est pas « pour se faire plaisir » qu’on procède à une telle désignation, mais parce qu’il y a, sinon une nécessité, au moins une incontestable utilité. Il est nécessaire que cette motivation apparaisse dans l’acte notarié, de préférence de manière explicite.
En quoi un mandat de protection peut-il être utile ?
La première raison tient aux héritiers, la seconde au patrimoine qui va être transmis.
Il se peut que les héritiers ou les légataires se trouvent dans une situation rendant les premiers temps du règlement de la succession difficiles. Par exemple, certains d’entre sont mineurs, ou vivent dans des pays très éloignés des biens transmis. Ou, il règne parmi eux une mésentente qui risque de provoquer des conflits et d’entraîner une dévaluation, voire une déperdition des biens successoraux.
La nature des biens transmis par la succession est également susceptible de provoquer des difficultés. Ainsi lorsque c’est un fonds de commerce ou un fonds artisanal qui nécessite une compétence technique, mieux vaut prévoir une période de transition. Au cours de cette période, c’est un professionnel qui prendra en charge l’entreprise avant qu’un héritier devenu apte puisse la reprendre ou qu’elle soit vendue, sans avoir perdu de valeur.
Quelles sont les modalités du mandat à effet posthume ?
Le choix du mandataire
Le testateur peut choisir son mandataire parmi ses héritiers ou leur préférer un tiers, ami ou collègue. En revanche, il ne peut confier cette mission au notaire qui aura pour tâche de régler la succession.
La durée du mandat
La durée du mandat est normalement de deux ans, mais ce délai peut être renouvelé une ou plusieurs fois par le juge, soit par ordonnance sur requête si tous les intéressés sont d’accord, soit par jugement s’il existe une contestation. Ce délai peut aller jusqu’à 5 ans s’il existe des héritiers mineurs, incapables majeurs ou si la succession inclut des biens professionnels.
Les pouvoirs du mandataire
Les pouvoirs du mandataire sont limités à l’administration et à la gestion des biens. En effet, il n’est pas question de vendre, de donner ou d’échanger un ou plusieurs meubles ou immeubles.
Il doit :
- assurer le maintien en bon état ou en état de fonctionnement,
- payer les charges (loyer, taxes, redevances),
- encaisser les recettes (intérêts, dividendes, loyers)
- placer les fonds disponibles de manière aussi rentable que possible.
Si le mandat porte sur des biens professionnels, il dispose d’une marge de manœuvre plus importante. Il pourra
- vendre et acheter des marchandises,
- vendre et acheter des machines et des matériels,
- prendre de nouveaux locaux à bail
- donner congé pour ceux devenus inutiles à l’exploitation.
Comme tous les mandataires, il est tenu de rendre compte de sa gestion et de fournir des comptes aux héritiers, chaque année.
La rémunération du mandataire
Par principe, le mandat est gratuit, car il est assimilé par le code civil à un service rendu à un ami. Toutefois, les diligences à la charge du mandataire risquent de lui prendre beaucoup de temps et d’énergie, s’il s’agit de gérer une activité professionnelle ou d’administrer de nombreux immeubles loués.
Aussi, le testateur-mandant peut-il prévoir une rémunération ; elle doit être expressément fixée et précisée dans l’acte notarié de mandat à effet posthume. Sagement, la loi suggère qu’elle sera constituée par une part des fruits et revenus des biens gérés, mais admet qu’elle puisse prendre une autre forme. On note par exemple la remise d’un meuble : voiture, bijou, article précieux, bref, tout ce qui présente l’avantage de personnaliser la rémunération, en la rendant plus « amicale ».
Si les héritiers estiment que ces avantages sont excessifs compte tenu de la faible durée du mandat ou de la modestie de la tâche, ils peuvent solliciter, à l’amiable, une réduction de la rétribution. A défaut d’accord avec le mandataire, ils devront, avec l’assistance d’un avocat spécialiste en droit des successions, l’assigner devant le tribunal judiciaire.
Quand prend fin le mandat à effet posthume ?
Le mandat prend fin pour de multiples raisons :
- certaines sont prévisibles : le délai fixé est écoulé et ne sera pas renouvelé, le mandataire décède ou se trouve incapable de remplir sa mission (en cas de grave maladie par exemple), les biens à gérer sont vendus par le ou les héritier(s) ;
- d’autres sont circonstancielles : le mandataire veut mettre un terme à cette activité pour des raisons qui lui sont personnelles, un conflit s’élève entre le mandataire et le ou les héritier(s), parce qu’il s’acquitte mal de sa charge, ou parce que l’un des héritiers est en mesure de reprendre l’activité professionnelle, ou, enfin survient le décès du ou des héritier(s).
Au terme, le mandataire rend un compte global de sa gestion, qui bien souvent va reprendre et compléter le ou les rapports annuels précédents.
C’est également l’occasion d’ajuster, à la baisse, le montant de sa rémunération, au regard de son implication et des résultats de sa mission. Le chiffre prévu dans l’acte notarié pourra être diminué, et une partie de ce qu’il a perçu, restituée, soit d’un commun accord avec les héritiers, soit sur jugement du tribunal judiciaire.