Il existe une sorte d’ordre logique et bio-chronologique des décès dans une famille. De manière courante, les grands parents décèdent avant les parents, qui eux-mêmes décèdent avant leurs enfants. C’est la loi de l’âge et de la durée de vie.
Il arrive, malheureusement, que cet ordre soit bouleversé par un évènement imprévu, le plus souvent à caractère tragique. Par exemple, un accident de circulation, une maladie grave ou une catastrophe naturelle.
Le droit, qui a pour objet d’accompagner les évènements de la vie, a dû prendre en compte ces bouleversements imprévus. Il a du, au-delà de l’émotion, régler la question de la dévolution du patrimoine.
Cela prolonge les principes fondamentaux de la transmission du patrimoine, c’est à dire en privilégiant la famille. En effet, le code civil va organiser une forme de « plan B » afin de garantir le maintien des meubles et immeubles au sein de la famille. Ceci, tout en respectant une égalité. C’est la technique dite « de la représentation ».
Par ce moyen, les enfants de la personne décédée viennent, en ses lieux et place, recueillir directement la succession d’un ascendant.
Exemples de représentation successorale
Les petits enfants représentent leur père
Deux époux, Pierre et Pierrette, ont donné naissance à deux enfants, Paul et Simon. Eux-mêmes ont eu chacun deux enfants. À la suite d’un accident, le cadet périt du vivant de ses parents. Au décès de Pierre, sa succession devrait aller à Paul, son seul enfant survivant, puisqu’il est le plus proche descendant. On peut considérer que ce serait là une injustice, puisque, dans l’ordre normal des choses, chaque enfant aurait hérité de 1/2 de la succession. Part qu’il aurait ensuite transmise à ses propres enfants. Il en résulterait une rupture de l’égalité.
Aussi, le législateur a prévu que les petits-enfants « représenteraient » leur père et auraient droit à la part dont il aurait bénéficié, s’il avait été vivant. La succession de Pierre se répartira donc de la manière suivante : 1/2 pour Paul et 1/2 pour les deux enfants de Simon, soit 1/4 pour chacun.
Le petit fils est héritier réservataire de son grand père
Un homme décède après son seul enfant, sa fille. Mais cette dernière était la mère d’un fils. Le petit-fils du défunt est toujours vivant. Si on applique strictement les règles du droit des successions, le défunt ne laissant aucun descendant au premier degré, donc aucun héritier réservataire, devrait pouvoir disposer de la totalité de ses biens par testament. Et ceci au profit de n’importe quelle personne de son choix, dans ou hors la famille.
Cela apparaît inadapté, puis qu’il existe bien au moins un membre de la famille encore vivant : le petit-fils. Les règles du code civil prévoient donc que le petit fils sera, par le jeu de la représentation, l’héritier réservataire de son grand-père, lequel ne pourra disposer, par testament, que de la 1/2 de son patrimoine. La continuité familiale est assurée.
Si le principe et l’utilité de la représentation sont clairs, sa mise en œuvre suscite parfois des difficultés qui doivent être soumises aux notaires et aux avocats spécialistes en droit des successions en cas de litige, car son domaine d’application est très particulier.
Traditionnellement, il n’y a de représentation que s’il y a pré-décès du parent et dans des cas très précis. Récemment, dans l’intérêt de la famille, cette technique a été étendue à deux hypothèses sans pré-décès.
1 – La représentation en cas de pré-décès du parent
La représentation produit son effet dans les successions entre ascendants et descendants, en ligne directe : de l’arrière grand-parent aux arrière arrière petits-enfants, voire plus pour une durée de vie bien au-delà de centenaire !
C’est la situation la plus fréquente, en général limitée à la succession des grands-parents. Elle se justifie parfaitement dans le double souci d’égalité et de continuité familiale. Dès lors, il est logique que les juges en refusent l’application lorsque la personne décédée ne laisse que des petits-enfants issus d’un seul enfant (donc sans concours avec un oncle ou une tante). Ils seront nécessairement héritiers réservataires. Il est donc inutile de recourir à la représentation.
Toujours inspirée par ces mêmes soucis, ce mécanisme trouve également place dans les successions de frères et sœurs. Lorsqu’un défunt ne laisse ni descendant, ni ascendant, sa succession est dévolue à ses frères et sœurs, au prorata de leur nombre. Si l’un d’entre eux est précédemment décédé tout en laissant des enfants, ces derniers, neveux et nièces, vont être appelés à la succession de leur oncle ou de leur tante. Ils vont donc être en représentation de leur père ou mère, frère ou sœur du défunt.
La technique de la représentation ne joue que dans un sens. Le fils représente le père, mais le père ne pourra jamais représenter le fils. Le père ne pourra pas bénéficier d’une succession dont le fils aurait été destinataire s’il n’était pré-décédé. Le législateur n’a voulu avantager que les plus jeunes, sans doute dans une perspective d’ouverture vers un avenir plus large.
Enfin, la représentation est également inopérante en cas de succession d’un parent plus éloigné qu’un frère ou une sœur, tel un oncle ou une tante. Dans ce cas la détermination du ou des héritiers ne se fonde alors que sur la proximité du degré de parenté.
2 – La représentation sans pré-décès du parent
Depuis deux lois de 2001 et 2006, la représentation va également s’appliquer dans deux situations particulières, sans décès préalable.
Il peut arriver qu’un fils ou une fille soit déclaré(e) « indigne » de succéder à son ou ses parents, pour plusieurs motifs :
- il s’est rendu auteur d’un parricide ou d’un matricide ;
- il a été condamné pour des atteintes graves au défunt. Par exemple, des violences volontaires ayant entraîné la mort. Un faux témoignage dans une procédure criminelle. Une non-assistance à personne en péril quand il en est résulté la mort. Une dénonciation calomnieuse de faits de nature criminelle.
Le législateur moderne a estimé que la faute ne devait pas « retomber » sur ses enfants, au point de les priver de succession. Ces derniers viennent en représentation de leur père, ou de leur mère, qui par son geste criminel a perdu tout droit à la dévolution du patrimoine familial. Comme en cas de pré-décès, ce mécanisme ne joue que pour les successions d’ascendants et de frères et sœurs, pas pour les successions de parents plus éloignés.
Depuis 2006, il existe un second cas de représentation sans pré-décès. En suite de la renonciation de l’héritier à sa part de succession, ses enfants la recueillent en ses lieux et place, avec les mêmes droits et caractéristiques. Ils recueillent notamment le droit à la réserve si le renonçant possédait la qualité de réservataire. Cela se justifie, là encore, par la volonté d’assurer la conservation d’un patrimoine familial. En effet, si un héritier refuse un patrimoine (pour de bonnes ou de mauvaises raisons), ce dernier est confié à la génération suivante.
En pratique, cette situation suscite nombre de difficultés techniques. Notamment celles liées à la prise en compte des donations que l’héritier renonçant a reçues du défunt.
On ne saurait trop inviter celui qui entend renoncer et laisser ses enfants hériter par le biais de la représentation, à étudier auparavant les différents impacts (fiscaux, entre autres) de son projet. N’hésitez pas à faire appel à Maître Cazals, avocat spécialiste en droit des successions pour obtenir des conseils en matière de représentation successoral