Pour donner, il faut savoir ce que l’on fait et en décider librement. Que ce soit par donation ou par testament, celui qui transmet des biens, gratuitement, doit parfaitement mesurer la portée de son acte et le faire en toute liberté.
C’est le sens de l’article 901 du code civil selon lequel :
«Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.»
Une donation ou un testament sont sans valeur juridique, s’ils résultent de la pression d’un parent ou d’un ami, du chantage exercé par un accompagnateur, de la machination plus ou moins subtile d’un enfant ou d’un conjoint.
Les avocats spécialistes en droit des personnes, tout comme les tribunaux, connaissent maintes illustrations de cette règle : elles vont de la personne âgée «mise en condition» pour donner une importante somme d’argent ou la maison familiale à un fils plutôt qu’à un autre, jusqu’au «senior», souvent affaibli par la maladie, qui est carrément isolé de sa famille et de ses amis pour ne plus connaître que son assistante de vie et lui léguer ainsi la majeure partie de sa fortune, en passant par l’obtention de signatures «en blanc» ou de chèques abusifs au bénéfice de simples relations ou de personnes de rencontre.
Les donations et testaments par actes notariés n’échappent malheureusement pas toujours à ce mal, pour peu que le notaire n’ait pu (ou voulu) s’assurer de l’intégrité mentale du donateur ou du testateur, notamment en sollicitant le diagnostic d’un praticien.
Pour trancher dans de tels cas, les juges se livrent à un examen, précis, minutieux et exhaustif des éléments qui leur sont soumis par les avocats dans ces «guerres de successions» .
Les certificats médicaux constituent, bien entendu, la référence en matière de preuve, au point que la juridiction nommera parfois un médecin expert pour en faire la synthèse et donner son avis sur la capacité psychique et mentale de celui qui a signé donation ou testament, au moment de la signature : quel était l’impact de sa maladie et/ou de sa souffrance, de son déclin psychologique, de son affaiblissement intellectuel, etc … ?
Mais d’autres éléments entrent en ligne de compte : d’une part le caractère irrationnel du comportement du donateur (multiplier les achats de tasses à café ou de pinces à linge), d’autre part, l’insertion dans le testament ou la donation de clauses saugrenues (à charge d’entretenir une meute dans une villa sans jardin), ou l’exigence de conditions abracadabrantes (le légataire devra chanter toutes les nuits sous un arbre du parc), constituent également de sérieux indicateurs d’une santé mentale défaillante.
Afin d’éviter de tels aléas, mieux vaut anticiper et faire analyser la situation par un avocat spécialiste en succession ou par un notaire ; le professionnel déterminera les précautions à prendre et, éventuellement les preuves à se ménager, en particulier dans l’optique d’un éventuel procès.
D’autant que tout se joue devant le tribunal et la cour d’appel, dans les conclusions des avocats et avec les pièces produites.
La Cour de Cassation ne cesse de le rappeler, l’appréciation des facultés mentales de celui qui rédige ou dicte un testament n’est pas un problème de droit, mais une question de fait, relevant de la seule appréciation des tribunaux et cours d’appel. (Cass. Civ. 1. 6 nov. 2013. n° 12-21801 ; Cass. Civ. 1. 18 déc. 2013. n° 12.26366)
Il n’y a pas, sur ce point, de troisième chance. Les litiges de première instance et d’appel se doivent d’être préparés au mieux.