Succession : comment savoir s’il y a des dettes ?

Article initialement publié en janvier 2024 et mis à jour le 9/12/2025 pour intégrer les dernières évolutions procédurales.

A la tristesse de perdre un parent ou un ami proche, aux multiples et pénibles démarches à effectuer après des autorités administratives et des organismes divers, nous vous conseillons d’ajouter, quelques jours plus tard, une déconvenue financière !

La qualité d’héritier ou de légataire universel ouvre droit à la transmission de tout ou partie du patrimoine du défunt, selon les règles du code civil ou selon les dispositions testamentaires. Perspective qui peut paraître consolatrice ou simplement séduisante : voici le moment de retrouver les souvenirs du disparu, de prolonger les liens qui s’étaient noués, voire de poursuivre des projets dans lesquels il s’était lancé, et que la mort a suspendus.

Le risque de l’héritage : quand le passif dépasse l’actif

Encore faut-il que le patrimoine successoral dévolu aux héritiers ou aux légataires ne soit pas pure chimère, ce qui est le cas lorsque les dettes contractées par le défunt l’emportent largement sur les quelques biens qu’il laisse : le plus souvent des meubles, plus rarement un immeuble.

En effet, accepter purement et simplement une succession implique que l’héritier ou le légataire universel non seulement reçoive les actifs, mais aussi prenne en charge les dettes de celui auquel il succède. Et, si le total des dettes dépasse le total de l’actif, l’héritier sera tenu de les payer sur ses biens personnels !

Les dettes peuvent être de natures variées mais surtout d’un montant incertain :

  • Débits bancaires ;
  • Factures de fournisseur impayées ;
  • Taxes et impôts négligés ;
  • Aides sociales à rembourser.

En effet, tout le monde ne gère pas son patrimoine à l’image du « Père Goriot » de Henri de Balzac, qui, à son décès, laissait une richesse considérable (et insoupçonnée), exempte de tout déficit. Afin d’éviter une mauvaise surprise, il est donc impératif de savoir s’il existe des dettes dans la succession et quel est leur montant.

À cette fin deux possibilités s’offrent à vous : l’une très générale, l’autre plus technique.

1. La solution classique : l’inventaire notarié

La mesure la plus simple et largement suffisante dans la plupart des cas consiste à confier à un notaire le soin de régler la succession. Son intervention est d’ailleurs obligatoire dès lors qu’un immeuble fait partie de la succession ou lorsque le montant de l’actif successoral dépasse 5 000 €.

Le notaire se voit confier la mission de collecter toutes les informations patrimoniales relatives à la personne décédée (soldes bancaires, loyers, charges de copropriété, dettes fiscales…). Au bout de quelques semaines, il dresse un inventaire du patrimoine, nommé « état liquidatif », comprenant les éléments d’actif, mais aussi le passif constitué par les dettes du défunt.

L’obstacle des délais bancaires et des cautions

Dans certaines successions, la tâche du notaire s’avère ardue, le plus souvent parce qu’il ne reçoit pas les réponses attendues, notamment de la part des banques.

C’est souvent le cas lorsqu’il existe une caution accordée par le défunt pour garantir un achat immobilier ou une opération de « location avec option d’achat ». L’incertitude plane alors sur les sommes en jeu. Les avocats spécialistes en succession constatent souvent que les services bancaires manquent de célérité, forçant l’héritier à se tourner vers une procédure plus sûre.

2. La solution sécurisée : l’acceptation à concurrence de l’actif net

Lorsque le mystère demeure sur l’étendue des dettes, il faut alors se tourner vers une procédure particulière : « l’acceptation à concurrence de l’actif net ».

Prévue par les articles 787 à 803 du Code civil, cette procédure permet de protéger le patrimoine personnel de l’héritier. Elle se développe en plusieurs temps :

  1. La déclaration : L’héritier déclare au notaire, par écrit, qu’il choisit cette mesure.
  2. L’inventaire estimatif : Le notaire dresse un inventaire actif/passif, souvent avec l’aide d’un commissaire de justice (anciennement commissaire-priseur).
  3. La publicité : Le notaire transmet l’inventaire au greffe du tribunal et publie la déclaration pour avertir les créanciers.
  4. Le délai de 15 mois : C’est un délai incompressible durant lequel les créanciers doivent déclarer leurs créances.

Protection de l’héritier et extinction des dettes

Au terme de ce délai, le notaire dresse un tableau définitif du passif successoral. Ce tableau est définitif car les créances non déclarées dans les 15 mois sont désormais éteintes (sauf exceptions).

Si le montant des dettes dépasse l’actif, l’héritier ne percevra rien, mais il ne sera jamais obligé de payer les dettes du défunt sur ses biens personnels.

Cette mesure est extrêmement bénéfique pour l’héritier puisque le montant des dettes est définitivement figé. Elle présente toutefois l’inconvénient d’augmenter la durée du règlement de la succession (15 mois minimum) et implique des coûts supplémentaires (frais d’inventaire, publicité et émoluments du notaire).

Il convient donc, avant de choisir ce mode d’estimation des dettes d’une succession de prendre le conseil d’un notaire ou d’un avocat spécialiste en matière successorale pour s’assurer que cette procédure est nécessaire.

Charles CAZALS
Avocat