En matière de succession, l’action en réduction permet de rétablir l’équilibre entre les héritiers. En effet, la gestion de patrimoine pousse les parents à donner à leurs enfants en ligne directe, au moyen de donations ou parfois de legs. Les grands-parents donnent aussi parfois de leur vivant, au moyen de donations ou de legs.
Le but de ces libéralités constatées par acte notarié est souvent d’éviter des droits de succession dont le coût est important. Parfois, par testament le défunt a pu aussi définir ou attribuer des legs.
Ainsi ces libéralités permettent une bonne gestion de patrimoine car elles ont un résultat fiscal intéressant qui consiste à payer moins cher une transmission de patrimoine. En effet, le coût des droits de succession (ce qui est réglé aux services fiscaux au moment du décès est évolutif), il ne risque pas de diminuer mais au contraire d’augmenter. Ce qui n’est pas fait pour rassurer…
Aussi, les droits de mutation dans le cadre d’une donation sont moindres que ceux des droits de succession. Souvent en pratique, ceux qui donnent payent aussi les droits : les parents donnent aux enfants et payent directement les droits en cadeau supplémentaire aux enfants. La pratique montre qu’il en est de même pour les grands parents.
Cependant, il peut arriver que certains héritiers soient avantagés par rapport à d’autres par ces différentes libéralités.
Qu’est ce que l’action en réduction ?
L’action en réduction désigne le recours en justice initié par un ou plusieurs héritiers réservataires en vue de contester les donations qui dépassent la quotité disponible. En droit français on ne peut pas déshériter ses enfants et ils ont donc droit à leur part dite « réservataire ». On ne peut disposer librement dans son patrimoine, que d’une petite partie, « la quotité disponible ». Cette action vise donc à réduire les libéralités consenties par le défunt au détriment de la part qui revient aux héritiers.
C’est donc une procédure qui permet aux héritiers réservataires ou à leurs ayants droits de rétablir l’équilibre. C’est l’article 920 du code civil qui dispose le principe de cette action : « les libéralités directes ou indirectes qui portent atteintes à la réserve d’un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession ».
Qui peut enclencher cette action en réduction ?
Ce sont les héritiers réservataires ou leurs ayants droits. Ce sont les dispositions de l’article 921 du code civil :
« la réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou leurs ayants cause: les donataires, les légataires ni les créanciers du défunt, ne pourront demander cette réduction, ni en profiter. »
Mais si par exemple, un héritier réservataire est sous tutelle ou sous curatelle alors son curateur ou son tuteur pourront aussi engager cette action en son nom.
Quel est le délai de l’action en réduction ?
L’action en justice doit être exercée dans un délai de 5 ans à compter du jour de l’ouverture de la succession ou à 2 ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, dans la limite de dix ans à compter du décès.
Il s’agit donc de réagir, de venir voir un avocat spécialiste en droit des successions car l’action est complexe, et passe nécessairement par une saisine du tribunal. Pour éviter le tribunal, un accord amiable peut être trouvé. Dans ce cas, un avocat peut aussi vous aider.
Il faut noter ici que c’est la loi du 23 juin 2006 qui a considérablement réduit les délais de cette action qui étaient avant de 30 ans. Aussi, la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008 est venue réformer le régime des prescriptions de droit commun.
Ainsi aux termes des dispositions de l’article 2224 du code civil :
« les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer. »
L’action en réduction permet donc à un héritier réservataire de demander la réduction, à l’encontre du gratifié bénéficiant d’une libéralité, qui atteint sa part de réserve héréditaire.
Les mécanismes pratiques de l’action en réduction
La cour de cassation dans un arrêt en date du 19 septembre 2018 n° de pourvoi : 17-20704 rappelle les principes et les textes en la matière « dès lors que le notaire dans son état liquidatif avait réuni dans une masse fictive les biens du patrimoine au jour du décès et ceux dont il avait disposé par donation entre vifs , fixé la quotité disponible, imputé les donations reçues, d’abord sur la part de réserve, puis sur la quotité disponible, enfin fixé une indemnité de réduction égale au montant de l’excédent la cour d’appel a exactement décidé d’homologuer l’état liquidatif conforme aux textes précités »
Vous lisez donc que ce n’est pas simple, et que cette action fait appel à une grande technicité afin de permettre son exercice. Les mécanismes pratiques sont complexes et ont pour but de permettre un partage équilibré.
a) La reconstitution du patrimoine du défunt
On commence par reconstituer le patrimoine du défunt en tenant compte des donations antérieures dans la masse fictive avec les autres biens du défunt. Cela revient à évaluer tout le patrimoine que le défunt a possédé au cours de son existence et que, finalement, il n’a pas dépensé.
C’est donc, ce qui reste au jour du décès, qui est le jour de l’ouverture de la succession, et ce qui a été donné.
- b) Fixation de la quotité disponible
Ainsi on fixe la quotité disponible puis on impute les donations d‘abord sur la part de réserve puis sur la quotité disponible.
- c) Fixation du montant de l’excédent.
On détermine enfin le montant de l’excédent qui permet de fixer le montant de l’indemnité de réduction.
Qu’en est-il si la valeur est discutée ?
Le problème qui est souvent soulevé et qui fait l’objet d’un véritable contentieux est la valeur des biens. L’article 922 du code civil donne les règles car « l’évaluation des biens se fait d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession ».
La valeur est souvent discutée par les héritiers et il convient donc, en cas de désaccord persistant, d’engager une procédure, et parfois, de demander à un expert immobilier de venir sur place et d’évaluer le bien.
Il peut y avoir plusieurs biens dans la même succession et dans ce cas là, l’avocat spécialiste demande l’évaluation de chacun des biens afin de permettre un règlement définitif de la succession. C’est cependant le notaire qui fera le calcul dans son acte de partage.
Il peut arriver que celui qui a reçu un bien l’ait ensuite vendu . Dans ce cas là, il faut préciser que lorsque le vendeur a reçu le bien par donation, l’article 924-4 du Code civil offre une action en revendication sur le bien. Cette action en revendication sera au profit des héritiers réservataires du donateur, contre les tiers détenteurs, pour le cas où la libéralité porterait atteinte à la réserve héréditaire et serait susceptible d’être réduite.
Il peut arriver que le vendeur ne soit pas en mesure de régler aux héritiers réservataires l’indemnité de réduction permettant de couvrir leur réserve héréditaire. Dans ce cas, ces derniers pourront, par le biais de l’action en revendication, revendiquer le bien contre le détenteur, même de bonne foi.
C’est pourquoi il est nécessaire de faire intervenir à l’acte de vente les héritiers réservataires, afin de garantir l’acquéreur contre ce risque.
Il ne faut pas hésiter à consulter un avocat spécialiste, expert en droit des successions, pour vous accompagner le long de ces opérations et saisir le juge s’il y a lieu. C’est la seule façon de préserver vos intérêts patrimoniaux et vos droits.