En droit français, comme dans d’autres pays européens, la succession n’est pas imposée au successible. En effet, la loi accorde aux héritiers une option successorale, qui figure à l’article 768 du Code civil, dans sa rédaction applicable depuis le 1er janvier 2007. Il a ainsi le choix entre trois partis :
- la renonciation à la succession ;
- une acceptation à concurrence de l’actif net ;
- une acceptation pure et simple.
La transmission de la succession se produit de plein droit au jour du décès et une acceptation pure et simple consolide le droit de l’héritier. Il s’agit de l’attitude la plus logique pour un héritier et, à la différence des autres possibilités d’option offertes aux héritiers, cette branche de l’option successorale n’est pas soumise à une forme particulière.
Ainsi, l’acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite. Le législateur a même envisagé une hypothèse où elle est imposée, à savoir celle du recel successoral.
Dans quel cas y a-t-il recel successoral ?
Il faut envisager le recel comme une vraie punition. Un héritier est qualifié juridiquement de receleur dès lors qu’il est prouvé qu’il s’est approprié de façon frauduleuse un bien appartenant à l’actif successoral. Cette attitude est sanctionnée puisque ce cohéritier a voulu, par son acte frauduleux, rompre l’égalité du partage successoral. C’est un détournement d’héritage.
Quelles sont les sanctions encourues par le recéleur ?
Il est classique de relever que ce cohéritier va subir une double sanction, en application de l’article 778 du Code civil. D’une part, l’héritier receleur est obligatoirement un acceptant pur et simple de la succession, même si tel n’est pas son désir, ce qui le contraint à être tenu de la totalité du passif successoral. D’autre part, il est privé de tout droit dans les biens recelés, qui seront entièrement réservés aux autres cohéritiers.
Le droit de repentir annule le recel
Les conséquences du recel successoral peuvent être écartées si le successeur, avant toute poursuite, et de façon tout à fait spontanée, décide de mettre un terme à la situation constitutive de recel C’est ce que l’on appelle le droit de repentir, qui consiste en la restitution des biens recelés. Ainsi, un repentir au cours de l’instance d’appel est sans effet.
En raison des conséquences punitives imposées à l’auteur du recel successoral, il convient de connaître exactement tous les éléments constitutifs d’un tel acte, qui doivent être prouvés, chacun, séparément.
Le recel ne peut être commis que par ceux qui disposent d’un titre universel
Le recel successoral est avant tout un acte frauduleux, qui a pour objectif principal la rupture de l’égalité au moment du partage successoral. C’est ce point qui explique que le recel ne peut être commis que par ceux qui disposent d’un titre universel à exercer sur la succession, de façon concurrente. Ce point englobe ainsi les héritiers et les légataires universels, qui ont vocation à recevoir la totalité de la succession, selon les dispositions de l’article 1003 du Code civil.
C’est pourquoi, ceux qui ne sont pas appelés au partage ne peuvent commettre un recel successoral. Tel est le cas notamment de ceux dont la vocation universelle exclut tout recours à l’indivision, comme le conjoint survivant qui aura opté pour l’usufruit de la totalité de la succession, en présence d’enfants communs, en application de l’article 757 du Code civil. De même, tous ceux qui ont des droits particuliers contre la succession ne peuvent commettre de recel, comme les légataires de biens particuliers.
Les éléments constitutifs du recel successoral
Pour ce qui a trait aux éléments constitutifs du recel, le raisonnement juridique se rapproche de celui du droit pénal, à savoir l’exigence de la preuve d’un élément matériel, et de celle d’un élément moral.
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L’élément matériel : la dissimulation d’un bien ou d’un héritier
De manière simple, l’élément matériel consiste en la dissimulation d’un bien ou d’un héritier lors d’un partage successoral.
L’hypothèse la plus courante consiste en la dissimulation d’un bien, voire d’un droit, qui appartient à une succession à partager. Il en est de même lorsque le bien doit être réintégré à la succession. C’est pourquoi, le recel successoral n’est pas constitué lorsque la libéralité dont l’existence a été cachée n’est ni réductible, ni rapportable.
Il faut envisager des hypothèses telles que la dissimulation d’une dette ou d’une donation, qui est souvent un don manuel, remis de la main à la main, ou une donation déguisée, où la libéralité est cachée sous la forme d’une vente par exemple. Dans une telle hypothèse, l’objectif est de soustraire ce bien au rapport successoral, et à la réduction. En effet, l’article 922 du Code civil exige la réunion fictive de toutes les libéralités en vue d’établir au final la valeur de la quotité disponible. Il peut s’agir également d’un véritable mensonge avec l’allégation de l’existence d’une créance envers la succession. Le cohéritier peut également appréhender de façon clandestine l’un des meubles de la succession.
Le moment de la commission de l’acte de recel n’a pas une importance capitale. Il peut donc s’agir d’actes commis avant le décès, et qui n’ont pas été révélés à la succession. Le législateur français n’exige nullement la preuve d’un dommage subi par l’héritier. Par conséquent, il faut se concentrer sur le caractère frauduleux de la dissimulation, ainsi que sur la rupture de l’égalité du partage.
Cependant, cette preuve de l’élément matériel, bien que parfois difficile à rapporter, ne suffit pas pour la reconnaissance d’un recel. Il faut, de plus, prouver l’existence d’un élément moral.
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L’élément moral : la volonté de rompre l’égalité du partage
Il est important de noter que le recel suppose la preuve d’une intention frauduleuse de l’héritier. Ce dernier a la volonté de rompre à son profit l’égalité du partage. Il faut donc la preuve de la mauvaise foi de l’héritier receleur, par un acte ou un fait, puisque la fraude ne peut résulter d’une simple omission, et ne peut donc pas être présumée.