Cour de cassation – Chambre civile 2 – 6 juin 2019 – n° 18-15713
Soupçonné d’abus de faiblesse à l’encontre d’une personne âgée, un proche, Mr O. avait été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris, à la requête du Procureur de la République.
Il lui était reproché d’avoir, entre 1994 et 1999, frauduleusement tiré parti de l’état physique ou psychique défaillant de Mme B. pour bénéficier (largement) de sa dévolution successorale.
Les faits avaient de quoi intriguer ; alors qu’elle souffrait d’une psychose sévère, Mme B. modifiait à deux reprises, en 1994, un testament olographe qu’elle avait rédigé en 1990. Elle instituait Mr O. comme son exécuteur testamentaire, en lieu et place de C, lui léguait les meubles de son appartement et elle léguait à Mme O. la totalité de ses bijoux. Elle confirmait, par un nouveau codicille pris en 1995, ce dernier legs. Elle décédait quelques années plus tard, sans avoir pris de nouvelles dispositions à cause de mort.
Ses petits neveux portaient les faits à la connaissance du Procureur de la République qui décidait de poursuivre Mr O. pour avoir illicitement profité de la faiblesse de la défunte, tant pour lui faire rédiger des codicilles en sa faveur et celle de son épouse, que pour avoir pesé ensuite sur son consentement, afin qu’elle ne revienne pas sur ses choix.
Examinant les circonstances avec soin, les magistrats de la juridiction pénale parisienne relaxaient Mr O., d’abord par un jugement du 18 janvier 2007, puis par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 12 décembre 2007.
Évidemment insatisfaits, les parents de Mme B. portaient alors l’affaire devant le tribunal civil ; ils sollicitaient de la juridiction qu’elle prononce la nullité des différents codicilles qui favorisaient Mr et Mme O., pris par leur parente en 1994 et 1995. Ils arguaient de l’insanité d’esprit de la testatrice, caractérisé par la psychose dont elle souffrait et se fondait sur les dispositions bien connues des avocats spécialistes en droit des successions, l’art. 901 code civil :
« Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence. »
La Cour d’Appel de Paris, le 7 mars 2018, leur donnait raison pour une bonne part, retenant que Mme B. présentait :
« une pathologie psychiatrique affectant, par les troubles délirants développés, sa perception de la réalité et son jugement, dont la prise en charge ne lui permettait pas de juguler les effets. »
C’était au tour de Mr O. de contester, en formant un pourvoi en cassation. Il faisait valoir qu’il avait été relaxé (donc reconnu innocent) par les juridictions pénales et ne pouvait pas se voir sanctionner, même indirectement, pour les mêmes faits et actes par une juridiction civile.
En réalité, la chambre civile de la cour d’Appel de Paris avait tenté de manœuvrer subtilement : pour ne pas heurter de front les décisions pénales, elle ne déclarait pas que Mr O. avait abusé de la faiblesse de Mme B., mais se contentait d’affirmer que cette dernière n’était pas en état de tester de manière valide, en raison de sa psychose.
Malheureusement, ce faisant elle « oubliait » que si les juges pénaux avaient relaxé Mr O., c’était en relevant que manquait un élément fondamental de l’infraction d’abus de faiblesse : la « faiblesse » !
Ce que ne manque pas de lui rappeler la Cour de Cassation : ce qui est jugé définitivement « au pénal » s’impose « au civil ».
La cour d’Appel ne devait pas ignorer que les magistrats correctionnels avaient jugé que Mme B. quoique malade, était restée apte à gérer ses biens et à prendre ses décisions concernant son patrimoine ; tant en 1994 qu’en 1995 elle n’était donc pas « insane » et incapable de prendre des dispositions par voie de codicille, et ses actes de 1994 et 1995 ne pouvaient donc être annulés.
L’affaire a été renvoyée devant une autre cour d’Appel, pour aboutir, enfin, à son terme ? Elle dure depuis près de 20 ans !
Cette affaire illustre, une fois encore, l’expérience des avocats spécialistes du droit patrimonial familial face à ce mélange des procédures pénales et civiles, dont il résulte des délais très longs. Au sein du cabinet d’avocats Cazals, nos avocats spécialistes expérimentés conseillent vivement de ne choisir, sauf cas particulier, qu’une seule voie judiciaire.