Cour de Cassation – première chambre – 8 octobre 2104 – n° 13-10074
Par son arrêt rendu le 8 octobre 2014, la Cour de Cassation rappelle qu’il ne faut pas confondre le recel successoral, notion essentiellement civile, avec le recel pénal.
Bénéficiaire d’une donation d’une somme d’argent de la part de sa mère, un fils avait utilisé cette somme pour acquérir des actions d’une société commerciale. En pratique, c’était sa mère qui avait payé ses 25 parts au moment de la constitution de la société. Il ne l’avait jamais remboursée. Cela constituait bien une donation.
Après le décès de sa mère, le 16 février 1999, il avait « oublié » de déclarer cette donation tant à son frère et sa soeur, héritiers comme lui, qu’au notaire en charge des opérations de règlement de la succession.
Malheureusement pour lui, les co-héritiers avaient vent de cette donation peu après le partage et ils l’assignaient devant le tribunal de grande instance afin qu’il soit procédé à un partage complémentaire, que cette cachotterie soit qualifiée de recel successoral et que le frère indigne soit condamné à rapporter les 25 actions à la succession et surtout qu’il soit déchu de ses droits sur les dites 25 actions.
On peut supposer que la valeur des actions dépassait largement le montant de souscription et les co-héritiers avaient donc tout intérêt à récupérer les titres plutôt que l’argent, même ré-évalué. Qui plus est, les actions avaient rapporté des dividendes ! Cela valait donc la peine d’en priver, au titre du recel successoral, le co-héritier peu scrupuleux.
Astucieusement, leur avocat essayait alors d’orienter les juges vers une conception extensive du recel, à l’instar de la notion de recel pénal.
En effet, selon l’article 321-1 du code pénal, le recel porte non seulement sur l’argent dérobé, mais aussi sur ce que cet argent a permis d’acquérir : voiture, bijoux, parts de société, etc …
Une telle interprétation, en assimilant l’objet acquis à l’objet de la donation, permettait aux co-héritiers lésés de récupérer les 25 actions et les dividendes versés les années précédentes.
La Cour d’Appel de Poitiers ne se laissait pas convaincre par cette argumentation et refusait de condamner le receleur à restituer les actions et les dividendes.
Les demandeurs portaient le litige devant la Cour de Cassation, et leur avocat spécialiste devant cette juridiction faisait valoir que la donation avait porté, non sur la somme d’argent, mais bien sur les actions que cet argent avait pour but de souscrire.
Le 8 octobre 2014, la Cour de Cassation confortait les magistrats poitevins dans leur analyse. Elle rappelait, d’une part que la donatrice défunte n’était pas propriétaire des actions et qu’elle n’avait donc pas pu les donner à son fils, d’autre part que le recel successoral tel que prévu par le code civil (articles 792 ancien et 778 actuel) ne porte que sur la donation elle même, et non pas sur le profit que l’héritier a pu en tirer par la suite ; le texte est en effet : « l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. »
Le frère et la soeur lésés ne se partageront donc que la somme d’argent en francs, ré-évaluée en euros mais ne deviendront pas des associés !
Marie Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit patrimonial familial