Après le décès d’une personne, il est possible de découvrir qu’une partie de son héritage a pu faire l’objet d’un détournement, par l’un de ses héritiers, ou bien par un tiers à la succession. Il est intéressant de relever les réponses du législateur face à une situation qui laisse souvent les héritiers dans le désarroi.
Il est important de délimiter la notion de détournement d’héritage, puis de comprendre les réponses qui peuvent légalement être apportées pour aider les victimes.
Qu’entend t-on par détournement d’héritage ?
Le détournement d’héritage peut être, de prime abord, l’œuvre d’un cohéritier, qui va léser les autres cohéritiers. Dans une telle situation, il convient de parler de « recel successoral ».
Le cohéritier receleur est celui qui s’approprie frauduleusement un bien successoral. Il a pour objectif de rompre l’égalité du partage.
Les différents types de recels
Le recel porte sur des sommes d’argent
La restitution exigée ne pourra pas porter, en principe, sur les biens, meubles ou immeubles, acquis grâce à ces sommes. La restitution ne portera que sur la somme objet du recel. Il y aura bien sûr des intérêts. La restitution ne prendra en compte la valeur du bien acquis que si et seulement si la donation est rapportable ou réductible.
Le recel porte sur un bien meuble ou immeuble déjà vendu
Dans ce cas, l’obligation de restitution qui incombe au receleur portera sur la valeur actuelle du bien objet du recel, et non sur le prix obtenu le jour de la vente.
Il est important, en raison de ces sanctions financièrement lourdes, de bien délimiter le domaine du recel, pour savoir qui sera qualifié de receleur.
Le détournement doit être commis par un héritier
De prime abord, ne peuvent être reconnus, le cas échéant, comme receleurs que ceux qui sont des héritiers avec un titre universel, comme un héritier ou légataire universel.
Ensuite, en tant que délit sanctionné par une double peine privée, il est nécessaire d’avoir la preuve d’un élément moral. L’héritier receleur veut s’assurer un avantage à l’encontre des cohéritiers, dans une intention frauduleuse. Surtout, il est important de préciser que la fraude doit être commise contre un cohéritier, et non pas contre le Trésor Public, voire un créancier. Il est donc essentiel de relever que l’héritier est présumé agir de bonne foi, et la mauvaise foi doit être prouvée. C’est pourquoi, le fait de ne pas révéler l’existence d’un contrat d’assurance-vie dont l’héritier est le bénéficiaire ne constitue pas en soi un recel successoral.
La fraude ne peut pas être déduite d’une omission. Il faut un acte ou un fait qui permettent d’établir la mauvaise foi, ce qui peut être le cas d’un simple mensonge, voire une réticence. Par exemple, si un enfant, héritier de sa mère qui est très âgée, utilise sa procuration sur le compte de cette dernière pour réaliser des retraits sans en justifier la destination, cela est considéré comme une donation rapportable et le recel peut être considéré comme établi.
Les différentes sanctions du détournement d’héritage
Le législateur, si les conditions de ce recel sont réunies, a décidé d’infliger une double sanction au cohéritier receleur.
La qualité d’acceptant pur et simple imposée au receleur
Cela signifie que le receleur sera tenu de l’ensemble des dettes du défunt sur l’ensemble de son patrimoine personnel, au-delà de la part recueillie dans la succession. On dit qu’il est tenu « ultra vires successionis ». Il s’agit bien d’une sanction, puisque cette acceptation s’applique même si le receleur n’en avait pas eu l’intention. Une telle sanction profite aussi bien aux cohériters du receleur, qu’aux créanciers successoraux. On parle alors d’une déchéance absolue.
La privation de tout droit concernant le bien recelé
Le bien sera attribué à ses cohéritiers, comme le prévoit l’article 778 du Code civil. Cette règle est prévue uniquement en faveur des cohéritiers, qui sont les seuls à pouvoir l’invoquer.
Prenons comme exemple la situation dans laquelle un héritier réservataire, comme un descendant, dissimule aux autres cohéritiers l’existence d’une donation déguisée. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, qui applique strictement la règle légale, l’héritier donataire, et receleur, ne peut rien conserver quant au bien recelé, quand bien même la valeur de la donation ne dépasse pas la quotité disponible et ne porte pas atteinte aux droits des cohéritiers réservataires.
Au-delà de cette restitution, le receleur doit payer des intérêts à compter de la date de l’appropriation sans justification. De plus, en application de l’article 1347-2 du Code civil, sans l’obtention d’un accord des cohéritiers, la loi rejette toute possibilité de compensation entre les droits successoraux du receleur d’une part, et les restitutions que ce dernier doit à ses cohéritiers.
Comment prouver le détournement d’héritage ?
Il faut rapporter la preuve de ce qu’il convient d’appeler l’élément matériel.
Il y a recel lorsqu’un cohéritier dissimule un bien ou un héritier dans le partage. C’est pourquoi il n’y a pas de recel constitué si la libéralité qui a été dissimulée n’est ni rapportable, ni réductible.
En revanche, le recel est bien constitué si :
- la valeur du bien successoral est minorée frauduleusement,
- lorsqu’une une dette est dissimulée,
- si l’existence d’un don manuel ou d’une donation déguisée est cachée.
Tous ces actes portent atteinte aux droits des autres cohéritiers.
Il y a également recel lorsqu’il y a dissimulation d’un cohéritier. Enfin, le moment où les faits constitutifs de recel sont constitués n’a pas la moindre importance. Pour prouver l’existence du recel, il faut apporter la preuve que la dissimulation a été frauduleuse, et qu’elle peut avoir pour conséquence la rupture de l’égalité lors du partage entre les cohéritiers.
Si ces preuves sont bien rapportées, le receleur sera sanctionné. Il peut cependant utiliser sa faculté de repentir, en prenant la décision de restituer les biens recelés, et ce, de façon spontanée, avant que des poursuites ne soient décidées contre lui.
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En l’absence de « repentir », le receleur subira les sanctions civiles déjà évoquées. Il faut alors se demander s’il convient d’ajouter des sanctions fiscales aux sanctions civiles. Certains proposent que l’héritier condamné pour recel soit tenu d’acquitter des droits de mutation à titre gratuit sur les biens concernés par le recel. Précisons qu’aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoit une telle sanction. Le receleur ne reçoit rien des biens qu’il a recelés, c’est pourquoi l’assiette des droits de mutation dont il est redevable ne peut les inclure. C’est ainsi que la Cour de cassation a décidé d’analyser la situation, par une jurisprudence constante.
L’abus de faiblesse, un autre type de détournement
Parfois, le détournement d’héritage peut être l’œuvre d’un tiers à la famille. C’est notamment le cas lorsque des personnes vulnérables, en raison de leur âge ou de leur état de santé, et qui se sentent délaissées par les membres de leur famille, peuvent se laisser abuser par des personnes promptes à tirer profit de cette faiblesse.
Un tel détournement d’héritage peut revêtir la forme du délit d’abus de faiblesse, exercé par un proche de la victime, l’un de ses amis, voire un voisin de palier. L’imagination ne manquent pas à ceux qui veulent commettre ce type de délit. L’objectif est de mettre la main sur le patrimoine de cette victime, à travers ses comptes bancaires, voire la souscription d’un contrat d’assurance-vie en cas de mort désignant comme bénéficiaire ce nouvel « ami ».
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