Abus de faiblesse et insanité d’esprit dans une succession

Abus de faiblesse et insanité d’esprit dans une succession

Ces notions d’abus de faiblesse et celle d’insanité d’esprit sont des constatations de fait qui permettent d’annuler un testament.

Un testament est un acte écrit par le testateur avant son décès. Cet acte doit être rédigé seul, sur une simple feuille de papier de la main de celui qui teste, le texte doit être daté et signé. Cet acte peut aussi être rédigé devant un notaire et par acte authentique.

Un testament est un acte dans lequel le testateur exprime ses dernières volontés. C’est sa volonté qui s’exprime, qui répartit et qui décide. C’est sa voix de l’au-delà… Il faut donc que ce qui est écrit corresponde très exactement à la volonté du testateur.

Qu’est-ce qu’un abus de faiblesse selon le code pénal et le code civil ?

Le droit indique « Pour faire une libéralité il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par erreur, le dol ou la violence. » article 901 du code civil.

On comprend aisément que lorsqu’un testament est insensé, c’est à dire s’il comporte des clauses farfelues, alors il est annulé ou plus exactement il n’a aucune portée. Ainsi, j’ai souvenir d’un testament qui faisait hériter le chat du défunt ! C’est bien une clause farfelue et vide de sens dans la mesure où un chat n’a pas la capacité d’hériter.

Mais que devient un testament qui est compréhensible et apparemment sensé, s’il est constaté que ce testament a été vicié ?

Le premier vice peut être l‘erreur. Par exemple, dans son testament un testateur donne une parcelle de terre qui ne lui appartient pas, car il confond avec une autre parcelle voisine, et nomme mal ladite parcelle. Dans ce cas-là, il y a une erreur car le testateur a donné un bien qui ne lui appartient pas : ce testament n’a donc aucun effet.

Cependant, le vice du consentement le plus fréquent est celui du dol. Le dol est constitué par des manœuvres frauduleuses qui vicient la volonté du testateur. Par exemple, le fait d’isoler le donateur de sa famille ou de ses amis constitue des manœuvres dolosives susceptibles d’annuler le testament :

  • le fait de dénigrer sa famille et de provoquer la rupture avec eux ;
  • le fait d’accompagner une personne âgée chez un notaire, qui de surcroit n’est pas son notaire habituel, pour lui faire faire un testament ;
  • le fait de contraindre la personne âgée à rédiger un testament, faute de quoi le bénéficiaire ne s’occupera plus d’elle (voir notre article sur les professions exclues d’un testament) ;
  • enfin, le fait de profiter d’une affection mentale du testateur pour lui faire signer un testament.

 

L’annulation du testament pour insanité d’esprit

L’insanité d’esprit visée par l’article 901 du code civil comprend toutes les catégories et variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant ou sa faculté de discernement est déréglée.

Le sujet est vaste et fréquent en matière de droit des successions. Il est nécessaire de faire appel à un avocat spécialiste du droit des successions, car la matière est complexe.

En effet, c’est à celui qui invoque une nullité pour insanité d’esprit ou manque de discernement de le prouver.

Qu’en est-il de la preuve de l’insanité d’esprit ?

L’avocat spécialiste établira la preuve par tous moyens et ce sera souvent le dossier médical qui établira la preuve, ou des attestations ou tout autre élément. L’avocat en charge d’un dossier de nullité de testament se doit d’être exigeant dans la charge de la preuve afin d’avoir toutes ses chances de gagner.

Par exemple, dans une affaire soumise à la cour de cassation dans un arrêt en date du 19 septembre 2019 la cour de cassation juge :

« Alors 1°) qu’en se bornant à relever, pour débouter les exposantes de leur demande de nullité de l’acte de donation du 3 juillet 2006 pour insanité d’esprit de Mme W…, que les pièces médicales qu’elles produisaient faisaient état d’hospitalisations à plusieurs reprises en 2005 et 2006, uniquement pour des problèmes physiques et non psychiques, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives, p.9 et s.), s’il ne résultait pas également de ces pièces médicales que Mme W…, âgée de 86 ans, était traitée par antidépresseurs pour une dépression sévère, en sorte qu’elle n’était pas en possession de toutes ses capacités mentales lorsqu’elle avait consenti la donation litigieuse, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 901 du code civil ; »

Ce qui signifie, constatant que dans le dossier médical, il n’y avait que des atteintes physiques et pas d’atteinte psychique, la cour de cassation aurait pu ne pas reconnaitre l’insanité d’esprit. Cependant, la cour de cassation, après avoir retenu l’âge de 86 ans, dit que la testatrice n’était pas en possession de tous ses moyens car elle prenait des antidépresseurs pour une dépression sévère. La cour de cassation annule donc le testament sur le fondement de l’article 901 du code civil.

Il a donc fallu prouver la prise des anti dépresseurs et le fait d’une dépression sévère prouvant ainsi le manque de discernement. C’est donc bien que le manque de discernement peut permettre d’annuler un testament.

Le manque de discernement c‘est de ne pas comprendre la portée de ce que l’on écrit. L’insanité d’esprit est donc un terme fort mais on peut avoir tout simplement le raisonnement faussé ou embrouillé et ce sera assimilé à l’insanité d’esprit, car le manque de discernement n’en est qu’une variante.

La preuve n’est pas évidente et la cour de cassation exige bien que la preuve de l’insanité d’esprit ou du manque de discernement soit rapportée. Ainsi, dans un arrêt en date du 13 juin 2019, elle refuse l’annulation :

« qu’en application de l’article 901 du code civil, pour faire une libéralité il faut être sain d’esprit ; que la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ; qu’en l’espèce Mme O… fait grief au jugement d’avoir rejeté sa demande en nullité du testament sur ce fondement ; que toutefois, et ainsi que l’a justement retenu le Tribunal, il appartient à celui qui agit en nullité du testament de rapporter la preuve de l’insanité d’esprit du testateur ; que force est de constater que Mme O… ne rapporte pas cette preuve, aucun des documents produits ne laissant entendre qu’en 2002, soit plus de sept ans avant son décès, Z… C… aurait subi une altération de ses facultés mentales ; que le grand âge n’est pas, en lui-même, révélateur d’une perte de ces facultés ; que de surcroît, il convient de rappeler que la procédure engagée par Mme O… elle-même devant le juge des tutelles en 1997 n’a abouti à aucune mesure prononcée à l’égard de sa mère, laquelle a, au contraire, été jugée apte à s’occuper des affaires de son mari, ce qui est en contradiction complète avec l’existence d’une quelconque insanité d’esprit ; que tous les développements sur les liens et conflits familiaux ne sont par ailleurs d’aucune pertinence quant à la solution du litige ; qu’enfin, les conditions dans lesquelles le testament a été transmis au notaire n’ont pas pour effet de le rendre nul, étant souligné en l’espèce qu’à l’exception des accusations portées par Mme O…, il n’est aucunement établi que les circonstances de la découverte de ce document auraient été pour le moins troubles ; qu’en conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions »

Le testament n’est pas annulé, car la preuve de l’insanité d’esprit n’est pas démontrée. Le grand âge n’est pas suffisant pour faire annuler un testament : on peut avoir 90 ans et toutes ses facultés.

Le fait de se disputer en famille n’est pas en soi non plus une preuve de l‘insanité d’esprit.

Mais par exemple, rédiger un testament lorsque la preuve de la maladie d’Alzheimer est rapportée, et lorsque ladite maladie est un stade suffisant, alors le testament peut être annulé. Il en est de même lorsqu’un tiers a profité de la faiblesse d’une personne âgée en la coupant de sa famille, en l’empêchant de téléphoner, en se rendant indispensable et finalement en la contraignant à rédiger un testament.

Parfois même, un expert psychiatre est nommé afin de déterminer la capacité réelle du testateur à tester. Le tribunal lui demande alors d’analyser les pièces médicales. Il le fera en toute indépendance et soumettra son rapport au tribunal lequel pourra alors statuer en pleine connaissance de cause.

L’état de faiblesse est la preuve de la vulnérabilité, laquelle entraîne le manque de discernement. Les causes en sont multiples et la preuve de cette vulnérabilité permet d’annuler un testament.

Notre cabinet spécialiste en droit des successions pratique quotidiennement ce type de dossier et a une grande habitude de leur résolution.

Marie-Christine CAZALS
Avocat spécialiste en droit des successions
Inscrite sur la liste nationale des avocats spécialistes mention droit du patrimoine familial