Cour de cassation – première chambre – 15 mars 2017 – n° 15-29273
Une mère de sept enfants n’aimait sans doute guère la dernière née de la fratrie. Aussi avait elle eu recours à un stratagème qu’elle pensait (à tort) habile pour la priver de ses droits ou tout au moins pour les diminuer de manière conséquente.
Elle avait établi en 1990, une reconnaissance de dettes en faveur des six premiers enfants. Elle avait confirmé, ensuite, dans son testament établi en 1997, qu’elle devait de l’argent à ceux-là et à ceux-là seuls.
La dernière ne lui avait rien prêté.
A son décès, survenu quelques mois plus tard, en 1997, les six premiers enfants exigeaient la remboursement de leurs créances.
Connaissant parfaitement le caractère mensonger de cette « reconnaissance de dette confirmée » par testament, la cadette s’y opposait.
Conseillée par un avocat spécialiste en successions, elle assignait alors en justice ses six frères et soeurs pour faire reconnaître l’invalidité de cette reconnaissance de dette et faire rétablir la vérité et l’égalité : sa mère avait délibérément avantagé les six autres, à son détriment.
S’ensuivait une fort longue procédure, qui allait durer près de 20 ans et passer devant au moins deux cours d’appel.
La Cour d’Appel de Rouen, dans son arrêt du 28 octobre 2015, avait longuement et minutieusement analysé la situation et abouti à la conclusion que la reconnaissance de dette ne correspondait à… aucune dette ! C’était bien un « faux ».
Elle en avait tiré la conclusion juridique logique : la mère avait effectué une donation déguisée au profit de ses six premiers enfants.
Ceux-ci devaient donc « rapporter » le montant de cette donation à la succession, comme pour n’importe quelle donation.
Dans une ultime (?) tentative de conserver pour eux seuls leurs avantages, les perdants formaient un pourvoi en cassation ; mal leur en prenait.
Dans son arrêt du 15 mars 2017 (sus visé), la Cour de cassation rejette leur pourvoi et approuve les magistrats rouennais dans leur analyse et leur décision.
Les avocats spécialistes en succession et les notaires apprécieront que la Cour de cassation apporte un soin particulier à relever que le droit des libéralités a bien été respecté par la Cour d’appel.
A ce titre, elle s’assure tout d’abord que la Cour d’appel a bien démontré que la dette était purement imaginaire.
Elle note ensuite que la Cour d’appel a bien caractérisé la donation qui, même déguisée, doit répondre aux critères de droit : un dépouillement sans contrepartie et la volonté de donner, « l’intention libérale ». Cela étant établi sans équivoque, par l’arrêt rouennais, le pourvoi ne pouvait qu’être rejeté.
De manière plus anecdotique, il faut remarquer que pour une fois, l’intention libérale est décrite en négatif, ou « en creux » !
En effet, selon la formule utilisée par les magistrats, la manoeuvre de la mère avait « pour objet d’écarter autant que possible de la succession » le septième enfant ! On attendait plutôt qu’elle soit décrite comme ayant « pour objet de favoriser les six autres » !
Curieuse périphrase, mais dont on comprend bien que si l’on veut laisser moins à l’un, c’est pour donner plus aux autres !