Cour de Cassation – première chambre – 4 novembre 2015 – n° 14-23662
C’est ce que viennent de rappeler les magistrats de la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu par la 1ère chambre, le 4 novembre 2015, faisant remarquer, implicitement, qu’il faut savoir lire un texte de loi.
La donation partage est un acte notarié, par lequel le donateur (un ou deux époux, souvent), répartit la totalité ou une fraction de ses biens meubles et immeubles entre les donataires qui doivent être ses héritiers probables (souvent les enfants du couple).
La matière est réglée par les articles 1075 et suivants du code civil.
Cette formule, bien connue des notaires et des avocats spécialistes du droit des successions, a connu et connaît encore, un certains succès au regard de ses avantages :
- elle opère un partage définitif des biens donnés entre ses bénéficiaires,
- lequel partage ne pourra pas être remis en cause après le décès du donateur,
- les biens donnés sont définitivement évalués au jour de la donation-partage, donc seule la valeur nominale sera prise en compte.
Ce qui veut dire que ce qui est donné sous cette forme en 2015, est évalué en 2015 et sera pris en compte, au jour du décès du donateur pour la valeur 2015.
Peu importe qu’interviennent, entre la donation partage et le décès du donateur, une inflation, une dévaluation, l’augmentation de la valeur de certains biens et la diminution de certains autres, et d’une manière générale, un quelconque évènement affectant la valeur d’un ou plusieurs des biens « donnés-partagés ». Et ce, même si le décès du « donateur-partageant » ne se produit que 10, 15, 20 ans ou plus au delà !
Ce dernier avantage est considérable, car les donations « simples » font l’objet d’une ré-évaluation au jour du partage définitif, donc après le décès u donateur !
Telle est en effet la règle, exceptionnelle, posée par l’article 1078 du code civil.
Deux frères avaient bénéficié, le 21 novembre 1996, d’une donation partage et l’acte notarié portait l’estimation des divers biens donnés.
Après le décès du donateur, intervenu plusieurs années après la donation-partage, l’un des deux, s’estimant lésé, en vint à contester cette évaluation ; son frère lui refusa, se fondant sur la règle posée par l’article 1078 du code civil : ce qui a été évalué au moment de la donation partage, ne peut être ré-évalué.
La Cour d’Appel de Bastia donnait raison à ce dernier, pour le motif de droit par lui invoqué.
Par l’arrêt précité, les magistrats de la Cour de Cassation la désapprouvent en notant : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’en cas d’action en réduction, l’article 1078, texte d’exception, prévoit une évaluation des biens au jour de la donation-partage et n’impose pas de retenir celle figurant dans l’acte, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »
En effet le texte de loi impose le principe de l ‘évaluation au jour de la donation, mais ne contraint pas les juges à accepter l’évaluation qui a pu être faite par les donateurs et acceptée par les donataires dans l’acte de « donation-partage ».
Heureuse nouvelle pour certains donataires, soumis au diktat du donateur, ainsi exprimé (officieusement bien sur !) à ses bénéficiaires : « voilà mon choix, voilà mes conditions, voilà mes chiffres, c’est à prendre tel quel ou tu n’auras rien ! » .
De telle sorte qu’un fils se trouvait contraint d’accepter la surestimation de sa part, tandis que son frère voyait la sienne outrageusement sous évaluée, la différence étant soit disant « compensée » par une confortable somme d’argent !
A suivre le raisonnement de la cour d’appel, le donataire défavorisé n’avait quasiment aucune chance, même avec le meilleur avocat, de faire rétablir l’égalité, qui est pourtant « l’âme du partage » et restait définitivement « floué ».
L’énoncé de principe de la Cour de Cassation vient heureusement rétablir la justice en permettant au donataire lésé de démontrer la tromperie initiale et de faire constater la valeur réelle de chaque bien « donné-partagé », au moment du partage.
Pour de telles situations, existe donc une solution que l’avocat spécialiste pourra mettre en oeuvre, à l’amiable ou de manière contentieuse.