Cour de Cassation – première chambre – 13 février 2013 – n° 11-24138
Pour aboutir à un partage équitable, entre héritiers, ainsi que l’exige le code civil, doit on s’en tenir au passé et au présent, ou convient il de prendre aussi en compte l’avenir ?
La cour d’appel de Grenoble avait choisi la seconde solution ; par un arrêt du 14 juin 2011, la cour de cassation vient de lui rappeler qu’on doit examiner le passé, et analyser le présent, sans tirer de plans sur le futur. (Civ. 1ére – 13 février 2013).
La question se posait ainsi : une mère avait donné, en 1974, un terrain, non constructible, à l’un de ses enfants, « en avancement d’hoirie », c’est à dire comme constituant une avance sur sa part de succession ; la mère décédait en novembre 2000.
Pour le partage qui s’en suivait, comment évaluer ce bien ? A sa valeur au moment de la donation, au jour du décès, au moment du partage ou dans la perspective d’une prochaine et très probable autorisation de construire ? En fonction de la réponse, le prix variait de manière conséquente.
L’art. 860 du code civil dispose que le bien donné est rapporté à à la succession, et qu’il est évalué selon son état au moment de la donation et selon son prix au moment du partage.
La cour d’appel avait correctement apprécié l’état du bien en 1974 – donc dans le passé – et avait recherché quel pouvait être son prix sur le marché, – donc au présent.
Mais elle avait inclus un élément futur, suivant en cela l’avis de l’expert, en retenant que le terrain allait très probablement devenir constructible à brève échéance, ce qui augmentait, bien sur considérablement sa valeur.
Sur pourvoi formé par le propriétaire du terrain, l’avocat avait critiqué cette intrusion d’un futur, qui plus est incertain.
La Cour de cassation lui donne raison en rappelant que les juges ne peuvent pas anticiper sur des probabilités à venir, mais doivent se fonder sur les certitudes du présent ; le terrain n’étant pas au jour du partage constructible, il ne pouvait être question de se servir de l’argument qu’il le serait un jour, dans le futur, pour en augmenter la valeur.
Cette décision est, de manière pragmatique, rassurante, elle évite aux plaideurs, et à leurs avocats, de se lancer dans de longues et incertaines recherches sur de possibles changements à venir.
Elle est également conforme aux principes : la justice se nourrit de certitudes et les avocats ne seraient pas recevables à proposer d’hypothétiques scénarios du futur.